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Scène française

Brigitte Fontaine

Interview Brigitte Fontaine

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Brigitte Fontaine 4

Avec son nouvel album baptisé « Prohibition », Brigitte Fontaine a choisie un titre comme figé dans le temps, projetant des images sépia de bars clandestins et d’alcool frelaté. Zikeo.net vous propose de découvrir l’interview de cette Zazou complètement barrée.

Avant de commencer cette interview, je voulais vous poser une question sur la santé de l’album, qui sort le 5 octobre.
Sur la santé de l’album ? Il va très bien merci.

Comment vous sentez-vous à quelques jours de la sortie ?
J’ai hâte qu’il sorte. Je crois que ça va, il est bien.

Son titre est « Prohibition ».
Oui

Est-ce qu’on peut dire que plus qu’un titre, c’est aussi un manifeste ?
Si vous voulez, on peut, bien qu’il y ait une ou deux chansons qui ne soient ni révoltées ni rebelles. Il y a une chanson d’amour presque mystique. Autrement c’est WOUAH !

C’est Brigitte Fontaine qui ressort ses griffes, cet album ?
Je ressors mes griffes oui.

C’est-à-dire ?
« J’aime tes grands yeux, car ils ont une âme« . Ça veut dire que je repasse à l’attaque. Je crois qu’il y a de quoi, et que la situation est dangereuse.

D’où est venue l’idée de disque ?
Il n’y a pas d’idées, jamais. Je n’ai jamais d’idées, je fais ce que je sens, ce que je désire, ce qui vient. Il se trouve que c’était une grande rébellion contre tout ce qui se passe et contre tous les interdits. Ce n’est pas parce qu’en 2009 nous sommes au 60ème anniversaire de la prohibition en Amérique qu’il faut abuser.

Est-ce qu’on peut parler d’une sorte de poésie de combat ?
De combat oui. La poésie est parfois sale, elle peut être virulente, violente, elle est partout en fait. Il s’agit d’une révolte à cette race, brutale. C’est rigolo quand même.

Il y a un titre significatif sur le disque, c’est le duo avec Philippe Catherine Partir ou rester.
J’ai écrit ce texte le lendemain des élections présidentielles.

De quoi parle ce texte ?
Moi je dis qu’il faut se casser, que ce n’est pas possible. Lui dit qu’il faut rester, qu’on va descendre dans la rue lutter contre le Lustucru.

Vous avez écrit toutes les paroles du disque. Vous fonctionnez pas mal à l’instinct, vous m’avez dit que vous laissez sortir et qu’après vous dirigez tout d’une main de fer. Au final, il y a quand même des thèmes récurrents, d’où cette idée de révolte.
J’ai toujours été quelqu’un de rebelle. Il n’y a pas d’idée mais des impulsions.

Est-ce qu’on peut parler d’une Brigitte Fontaine anar sur ce disque ?
Oui, surement. Je crois que je suis contre le pouvoir. Surtout quand il est abusif et liberticide. Il faudrait expliquer aux gens qui n’ont pas encore écouté le disque pourquoi cette prohibition, on ne peut plus fumer… On ne peut pas être sans papier, on ne peut pas parler d’alcool, fumer, on ne peut pas parler, c’est tout juste si on peut respirer. Peut-être que respirer sera aussi prohibé, parce que ça pourrait contribuer au réchauffement climatique…

Il y a aussi la condition de la femme qui est abordé.
La femme, quelle femme ?

Les femmes, avec le morceau Harem entre autre.
C’est également un emprisonnement. Dans ce disque, il est plusieurs fois question des conditions carcérales qui sont inadmissibles en France. De toute façon je suis contre les prisons, qu’ils trouvent une autre solution, cela n’en est pas une. Les femmes dans les harems, qui existent encore un peu, sont comme en prison. Grelot et fer aux pieds…

Qu’est-ce que vous comprendriez si je vous disais que dans l’image que l’on a de Brigitte Fontaine de l’extérieur, on ne s’attend pas forcément à quelque chose de si « radical » ? On vous associe plus souvent à la fantaisie et à la poésie qu’au radicalisme.
L’un n’empêche pas l’autre, la preuve. Si on remonte à bien plus loin, il y a l’album « Comme à la radio », il y a plusieurs choses plus tard dans « Vous et Nous ». Il y a l’histoire du voile à l’école dans « Rue St Louis en l’île». Mais c’était surtout dans « Comme à la radio ».

Il y a un rapport au sacré et à l’Islam dans le morceau Soufi.
Oui, les Soufi existaient depuis la nuit des temps, avant l’Islam. Quand ils ont connu le Coran, ils se sont dit que c’était la chose la plus correcte. Ils existaient bien avant. 18/ Il me semble que sur ce morceau, quelqu’un chante avec vous. Et bien oui ! Je suis très contente parce que je l’aime beaucoup, c’est Grace Jones. Elle a voulu chanter ce morceau avec moi, j’en ai été ravie.

Comment ça s’est passé ?
On s’est rencontré, elle m’a dit « je te fais tout ce que tu veux ». Je lui ai demandé de choisir une des chansons pour qu’on fasse un duo. Elle a choisi Soufi. D’autre part, elle a fait des choeurs, très gentiment sans que je le lui demande, sur plusieurs morceaux.

Est-ce qu’on peut dire que cet album est plus viscéral, plus animal ?
Il est très animal, oui. Viscéral, je n’aime pas beaucoup les viscères… Je préfère le mystère. Tout est mystère.

Comme la prohibition ?
Ça je crois que c’était hélas très prévisible. La situation est pire qu’au XIXème siècle, et va bientôt être pire que sous l’Ancien Régime, c’est-à-dire avant la révolution française.

Qu’est-ce qui fait que cet album vous rend encore plus insoumise ?
On a l’impression qu’aujourd’hui tout le monde est soumis d’une manière ou d’un autre. Votre volonté est encore une fois de se démarquer par l’insoumission. J’incite à l’insoumission, à la désobéissance civile. On peut m’accuser de ça oui.

C’est vous qui imposez cet album à l’époque ou est-ce l’époque qui vous a imposé cet album ?
Les deux. Cette rébellion, cette résistance, m’a été donnée, je l’ai donnée, il y a un échange de bons procédés.

Est-ce qu’on peut parler un peu de la cigarette, c’est devenu un combat pour la liberté ?
Oui je trouve ça vraiment honteux et sadique dans certains cas. Les cigarettes, ça leur rapporte du blé, tout le monde le sait, en même temps, ils interdisent de fumer. Il faut faire des provisions parce que bientôt il n’y aura plus de cigarettes. Je ne sais pas comment ils feront pour le fric… C’est une honte de ne pas pouvoir fumer dans les bars. C’est honteux, on attrape la crève ou la fumée des pots d’échappement. C’est aussi de la pollution, pire que la cigarette non ?

Est-ce qu’on pourra fumer à vos concerts ?
Les gens ont toujours fumé dans mes concerts, jusqu’à cette loi, quand ils sont debouts devant, ils fumaient. Ça ne me gênait pas, un peu pour la voix, mais je n’aurais jamais pensé à leur demander de ne pas fumer.

Il y a un thème difficile qui est très bien abordé, dans l’extrait Prohibition, c’est la vieillesse.
Oui, la vieillerie, c’est interdit aussi. Il faut être jeune. Les vieux sont traités comme des chiens. C’est une honte dans cette société. Il y a d’autres sociétés où les vieux sont considérés comme des trésors, remplis d’acquis d’histoire, de savoir… Ils sont très respectés. Ici et dans bien des pays, ils sont jetés aux orties.

Est-ce inconsciemment une peur d’être rejetée ou isolée ?
Je me démerderai, ne vous inquiétez pas.

Il y a quelque chose d’assez frappant dans le disque, c’est que même si vous parlez de choses fortes, il y a très peu de slogans.
Il y a plus de poésie. Il y a un slogan que j’espère tout le monde connait « La propriété c’est le vol ». Je me suis aperçue que peu de gens maintenant connaissent ce slogan. Je croyais que c’était très connu, c’est pourquoi je l’ai mis. A part ce slogan, il y a « Je suis vieille et je vous encule ». Avec mon look de libellule…

Vous avez aussi l’image d’une artiste exigeante. Brigitte Fontaine est souvent comparée à des musiciens assez élitistes. Pourtant c’est un disque ouvert à tout le monde.
C’est clair et simple, ce qui n’empêche pas l’exigence et la rigueur. Ça n’empêche pas non plus la paresse très grande.

Ce disque est quand même accessible.
Oui, je crois, je le souhaite, il est très accessible je n’ai pas vraiment fait exprès mais j’avais envie de ça.

Je sais que vous détestez quand on vous dit que vos chansons sont des chansons expérimentales.
Ça n’a jamais été expérimental, j’ai horreur de ce mot, de cette notion et de cette réalité. Ça n’a rien à voir avec moi, ce n’est pas du tout expérimental. Je suis différente, oui, je colle avec mon époque. Certains disent depuis très longtemps que je suis « d’avant-garde », bon… Je n’ai jamais trouvé que c’était d’avant-garde, j’ai trouvé que je coïncidais avec les différentes époques que j’ai traversées.

Comme vous le chantez dans le disque, vous êtes un poète.
Je suis un poète et je flash sur les lueurs du liquide vaisselle. Oui, parce que la poésie est partout.

Vous n’êtes pas poétesse mais poète.
Poétesse, je suis OK, parce que ça date du Moyen Age. Ce que je ne veux pas, c’est écrivaine. Je suis un écrivain, d’autre part, quand j’écris des livres. Pas une écrivaine.

Dans le disque, vous vous en prenez au retour de la morale un peu idiote, aux interdictions, mais aussi au soleil dans Il s’en passe
J’ai peur du soleil, j’ai la phobie du soleil, je le déteste. La pauvre fille est complètement exaspérée, désespérée, elle téléphone à son mec en lui disant « Viens me chercher, je n’en peux plus ». Les boissons fraiches, les touristes bronzés qui se font encore plus bronzer, ça l’épouvante.

Serait-ce un vampire ?
Non, car dans la tradition correcte, les vampires sont homosexuels, et pas moi.

Est-ce qu’on peut parler d’un disque politique ?
Poli-poétique.

C’est une vraie opposition quand même. Ce n’est pas si fréquent de nos jours.
C’est une approche de la résistance, de tout ce qui est interdit en général. Mon engagement sent un peu mai 68, que je n’ai jamais vraiment adoré. Ça me semblait vraiment la moindre des choses. Mais je n’appréciais pas beaucoup les donneurs de leçons qui pullulaient à ce moment là, si je me souviens.

Vous allez partir en tournée avec ce disque ?
J’ai des dates, je vais répéter tout à l’heure. Ma première date est dans 4 jours, dans une résidence en banlieue, je joue pour la première fois ce disque.

Un peu stressée ?
Comme je suis très paresseuse, je n’ai pas vraiment appris mes textes, je n’ai répété que deux fois pour l’instant… Je suis un peu stressée oui.

Vous êtes originaire du Finistère, est-ce encore une région qui vous est proche, importante, qui vous inspire ?
J’ai passé deux mois de vacances à Morlay, c’est quelque chose, Morlay ! Une ville adorable, charmante, où il fait bon vivre, où il y a des gens sympas. C’est une ville ravissante. De manière générale, je crois que les bretons sont plus sympas que les parisiens par exemple.

On vous imagine comme une parisienne endurcie.
Egalement, mais je suis très attachée à la Bretagne.

Quelque mots à nous dire sur la récente collaboration avec Matthieu Chedid ?
Il m’a demandé des textes, il en a eu ! Il a eu ce qu’il voulait. Je l’aime beaucoup, je suis contente, ça marche beaucoup, Mathieu est adorable et c’est un merveilleux guitariste.

Quand vous contemplez votre passé, comment estimez-vous votre vie jusque là ?
Je n’en ai aucune idée. Je ne pense jamais à des trucs comme ça, j’avance, je fonce. Je n’ai aucune idée sur qu’est ce qu’est ma vie ; d’ailleurs, si j’y pense, ça me fait peur. Alors je ne préfère pas.

Pas de désir de statue…
Jamais. Ni que mes textes soient étudiés dans les écoles. Ou mes livres.

Un dernier mot à ajouter sur « Prohibition » ?
Qu’ils retournent sucer leur glace en enfer.

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