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Scène française

Raphael : «Depuis quelques années j’ai moins de musique en moi»

Interview Raphael

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Raphael : «Depuis quelques années j'ai moins de musique en moi» 4

Qui n’a jamais rêvé de retrouver son âme d’enfant l’espace d’un instant ? Avec un tout nouveau registre, et des tonalités peu ordinaires, Raphael signe son grand retour. Son nouvel album Somnambules, qui sortira le 20 avril prochain, nous entraine au dessus des nuages, dans le rêve fantasmé d’un Peter Pan des temps modernes. Aujourd’hui, l’artiste se confie sur le divan de Zikeo pour évoquer la genèse secrète de son ode à l’enfance polyphonique et de son nouvel opus.

Ça commence où pour toi l’enfance ? »
Ça a commencé en 2008, à la naissance de mon fils aîné, par une envie de capter quelque chose de l’enfance. Juste après « Caravane », il a été question de bricoler quelque chose avec Manset. Ce n’était finalement pas le moment, mais quelque chose s’était mis en travail. Il faut du temps, que ça cristallise.

Le germe de la chose, au plus primitif, ce serait quoi ?
Ce doit être le chant en commun, quelque chose qui réunit, remonter aux cours de Talmud de l’enfance, des enfants qui chantent sous la voix de basse du chantre. Peut être aussi faire entendre la voix d’un petit fantôme passé avant ma naissance.

Est-ce que l’option chorale enfantine a induit une écriture spécifique ?
Oui. C’est une contrainte très forte. Ne pas écrire de chansons d’amour mais parler de la violence, de la joie et de la tristesse de l’enfance, éviter le côé angélique, la joliesse insipide. N’ayant pas 70 enfants à disposition, il fallait imaginer. Là, ça pourrait marcher, ici non… Cent fois, j’ai voulu abandonner et faire ce que je sais faire, des chansons d’amour, de perdition… Et puis merde, qui a envie d’entendre ça ? Il valait mieux essayer de faire un disque un peu joyeux, malgré la tristesse et la médiocrité ambiante.

Quelle a été la part de la partition, et celle de l’imprévu, du thème et de la variation ludique?
Le disque fonctionne sur l’énergie, tout a été enregistré live, tous les musiciens sont jeunes, enfin plus jeunes que moi. Même le quatuor à cordes, c’étaient presque des enfants. Que des instruments acoustiques, sauf une guitare électrique de Bombino sur un titre, que je n’ai pas eu le coeur d’enlever. Le disque a été enregistré en quelques jours, dans la joie. J’avais l’habitude d’accumuler les couches, ici c’est l’inverse : il n’y a aucune option sur les bandes, jamais plus de deux prises par titre, la plupart des voix enregistrées au moment de la prise. Je suis comme un acteur de cinéma : moins je réfléchis, meilleur je suis. Les cordes ont été écrites par un jeune et brillant musicien, tout juste sorti de l’école, elles donnent une sensation de fraicheur, comme une journée à la campagne.

Comment as-tu élu l’école de la rue Houdon pour mener ton expérience, et comment la chose a-t-elle été reçue ?
Quand mon fils aîné était en maternelle, l’an dernier, je l’ai accompagné à une sortie chorale chez les grands et j’ai vu l’école Houdon. Classée en z.e.p, murs de briques rouges, l’école de la République laïque et mixte dans ce qu’elle a de plus beau. Pour l’album, j’ai d’abord essayé de travailler avec une chorale professionnelle, mais cela sonnait trop propret, et puis l’idée d’une aventure humaine plus impliquante m’attirait. A la rentrée, j’ai contacté par téléphone la directrice de l’école Houdon, qui m’a reçu dans la journée. J’avais peur des obstacles administratifs du genre « Allez voir untel à la mairie qui vous orientera peut être vers le bureau 119… il faut attendre la commission départementale, ils se réunissent dans un an… mais ils vous détestent sans doute déjà… », j’avais eu quelques expériences démoralisantes de ce type avec l’Institut français. Elle, a tout de suite considéré que c’était une aventure enrichissante pour les enfants, de participer à l’enregistrement d’un disque, et balayé tous les obstacles qui se sont présentés, avec enthousiasme et gentillesse : sans cette femme, rien n’aurait été possible, j’aurais sûrement abandonné le projet.

Quelle a été la procédure, à partir de là ?
J’ai passé pas mal de temps à l’école, à répéter avec ma 12 cordes, à causer, boire du thé, faire des photos… On a enregistré les enfants dans l’école même, en apportant les magnétos en classe. 70 enfants de CM2 dans une salle surchauffée, des séances de deux heures, c’était impressionnant. Je comprends le trac d’un professeur pour sa première rentrée. Craig Silvey a enregistré. Il avait mixé mon Super-Welter et fait le son de mes disques préférés du moment.

Comment s’est fait l’attelage avec David Ivar, le frère Herman Dune ? Comment ça marche ?
David et moi nous sommes rencontrés en 2008, il m’avait proposé des chansons sublimes, Tell Me Something I Don’t Know par exemple, mais elles ne correspondaient pas. Nous sommes devenus amis, avons fait un concert ensemble avec Herman Dune et Christophe aux Nuits de Fourvière. Fin 2013, nous sommes partis ensemble quelques jours en Bretagne dans une cabane au bord de la mer. Il se nourrissait de frites au citron et s’est baigné dans l’Atlantique fin novembre, je pensais qu’il allait mourir. Finalement, quelques chansons sont sorties, le début de quelque chose. Nous nous sommes vus régulièrement chez l’un ou l’autre : séances de travail vacances, surf… C’est beau de travailler avec ses amis.

C’est le fait d’être père de deux garçons avec Mélanie Thierry qui a engendré cette envie d’harmonies enfantines ?
Oui. Ces envies sont nées à la naissance de mon premier fils et j’ai écrit le disque dans le maelstrom émotionnel de la naissance du second, il y a quelque chose des vies antérieures, des limbes, du Peter Pan disant : « Quand j’eus 7 jours, voyez vous, je décidai de plus grandir ».

Tu as chanté enfant, dans des chorales ?
Je n’ai jamais chanté dans des chorales, religieuses ou pas, mais enfant je chantais continuellement, comme un oiseau. Par joie, pour me donner du courage, je chantais du matin au soir, et bien sûr enfant je voulais être chanteur. C’est assez merveilleux de faire dans la vie ce qu’on rêvait de faire enfant ou adolescent… Depuis quelques années, je chante moins, j’ai moins de musique en moi. C’est peut être ça vieillir, avoir du mal à trouver de la beauté. Peut être que ces chants d’enfants sont là pour réanimer la petite musique intérieure, mon chœur artificiel.

Une idée de l’accueil qu’un tel ovni peut recevoir dans le grand public de « Caravane » ?
Pas la moindre idée, mais c’est vraiment le disque que j’avais en tête. J’ai longtemps essayé de me défaire de cette image romantique de « Caravane », avec « Pacific » et « Super-Welter » notamment ; aujourd’hui ça n’a plus d’importance, cette image me va. J’essaie d’apporter un peu de tendresse, de fabriquer des jolies chansons. La plupart des gens ont déjà leur religion sur moi, j’ai juste essayé de faire ce disque le plus honnêtement possible, j’espère qu’il aura une belle vie.

L’enregistrement s’est fait en une semaine, entre l’école de Montmartre et le studio Ferber mythique du 20e, près du boulevard Mortier ; par peur d’altérer l’esprit d’enfance, peur du syndrome Sergeant Pepper’s ?
Oui. Il fallait absolument préserver ce côté brut, accidenté. Et puis, d’une manière générale, j’ai passé tellement de temps en studio pour des chicaneries soniques, dont il ne me reste plus rien aujourd’hui… J’ai passé une semaine dans mon bon vieux studio Ferber, trois demi-journées à l’école, dix jours de mixage à Londres : pas de chichis!

Le disque s’inscrit exactement entre une phase d’entrainement intensif à la boxe et ta nouvelle vie en mer ; deux faces de l’esprit d’enfance : le corps à corps et la tête dans la lune ?
La vie se passe à compenser son enfance, paraît-il. J’ai peut être été trop couvé, d’une enfance trop tendre, je cherche un peu à jouer au garçon, et le voilier est un endroit parfait pour un misanthrope-solitaire de mon espèce. Je ne fais chier personne et réciproquement. Seulement, j’ai un peu mal au cœur.

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