Scène française

Interview Olivia Ruiz

Interview Olivia Ruiz

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La miss, c’est Olivia Ruiz, éternelle chipie canaille qui, malgré la gloire et les honneurs, et parce que ce n’est toujours pas de son âge, refuse qu’on l’appelle « madame ». Le jour où le météore, nom masculin, décidera de changer de genre, il pourra se rebaptiser Olivia Ruiz parce que la définition va très bien à la chanteuse : corps céleste traversant l’atmosphère en produisant un phénomène lumineux.

« Miss Météores », ça fait allusion à l’ultra féminité, et peut être pour la première fois à un décollage vers les étoiles, il y a cette métaphore « Olivia Ruiz s’envole vers les étoiles » ?
En fait, le choix de la pochette a pas mal conditionné le choix du titre. Mon idée était de dire, avec ce grand ciseau dans mes mains, que je fais la pluie et le beau temps dans ma propre vie. Un météore est quelque chose qui passe, mais c’est quelque chose qui peut aussi s’enfoncer dans la terre et être pleinement ancré dans la réalité. Le petit jeu de mot rigolo m’amusait, « miss météo ». Ça a été assez naturel finalement, de choisir le titre « Miss Météores », et la chanson Les météores dans l’album est très importante pour moi, c’est peut être celle dans laquelle je me mets le plus à nu. C’était aussi un clin d’oeil à ce morceau qui compte beaucoup pour moi.

C’est aussi la météo des coeurs, un état des lieux de la météorologie des coeurs et de la météorologie intime de Olivia Ruiz, cet album ?
Mes amis m’appellent la météo des montagnes, parce que je suis très impulsive, très latine tout simplement. Dans l’album précédent, il y avait « La fille du vent ». Le fait de revenir sur les éléments, moi qui suis une fille très terrienne, je décolle un peu en essayant de regarder la réalité sous un angle différent et métaphorique, pas simplement en tant que conteuse d’histoires du quotidien. Je les éloigne de leur sens le plus premier.

Ce qui ne change pas dans cet album, parce qu’il y a quand même des choses qui ne changent pas, c’est le lieu du studio, le studio parisien Accousti. C’est ta résidence secondaire, comme tu as l’habitude de le dire. Pourquoi avoir besoin de ne pas changer de studio d’enregistrement ?
Je ne sais pas, si j’avais besoin de ne pas changer de studio. J’avais surtout du plaisir à me dire que j’allais y retourner. Tout à coup, je suis dans un lieu que je connais, qui m’est familier. Cela me paraissait la façon idéale pour moi de me remettre à créer. Alain Cluzot, Mathias Malzieu, ce sont des piliers dans cette création. Ils savent aujourd’hui merveilleusement traduire mes idées et les concrétiser. C’était aussi un gain de temps énorme au niveau du travail.

Est-ce que tu n’as pas la mystique du studio étranger, avec le réalisateur de la mort ? Ça ne t’a jamais traversé l’esprit, avec le succès, après avoir vendu plus d’1 million d’albums, de te la péter un peu, d’aller chercher un studio un peu mythique, avec des enregistrements mythiques, avec un réalisateur mythique ?
C’est sûr que tout le monde en rêve, se couper de sa réalité parisienne ou française, d’aller se dépayser. Ça met dans une forme d’état d’esprit différente. Ce n’était pas le moment pour moi. C’est vrai que j’aurais peut être dû le faire là et profiter de la vague de succès de « La femme chocolat ». En même temps, ça sera sans regret parce que j’ai mes petits contacts. Je peux appeler Beirout, et lui demander si je peux venir trois semaines en enregistrant mon prochain disque. Ou je peux appeler Buck 65, et lui dire « Tu ne veux pas qu’on fasse mon disque dans ton petit studio avec 3 francs 50 ? ». Si j’ai envie de me dépayser, ce n’est pas forcément utile de me dire que j’ai des moyens, que c’est maintenant ou jamais. Justement, ces moyens m’ont servi plus que jamais parce que j’ai pu inviter tous les gens avec qui je voulais bosser et en plus d’aller plus loin dans la recherche. Quand on n’est pas là, se dire qu’on a un musicien pour la journée et qu’il faut qu’il bosse sur tel morceau, tel morceau… On peut prendre le temps de se dire, « s’il faut qu’il revienne demain, il reviendra demain ». On fouille plus, on va plus en profondeur dans les chansons. Du coup, c’est vrai que je n’ai pas de regret, mais un jour peut être je vais faire la maligne et aller me chercher un réalisateur américain super connu dans un studio mythique. Peut être un jour ! Mais ce n’était pas pour maintenant.

Ce tandem Cluzot-Malzieu, c’est aussi un peu devenu un tandem mythique grâce à toi, un tandem que tu conduis ?
Tu es la chef de ces deux garçons qui transcendent un peu ton univers mais qui sont contraints de bien comprendre la mécanique qui est la tienne en termes de production. C’est vrai que c’est la force de Mathias et de Cluzot. Ils n’ont pas d’égo. Ils ne veulent pas satisfaire leurs désirs, ils ont d’autres projets pour ça, des projets personnels. Aujourd’hui, peut être que sur « La femme chocolat » on était un trio. J’ai pris la place de cheftaine du trio parce que je sais mieux m’exprimer sur ce dont j’ai envie. Je tiens mieux les rênes et eux peuvent d’autant mieux se mettre au service du cadre que je définis. Je m’explique mieux et je gagne en expérience.

Ce qui a changé, c’est l’écriture. Il y a un vertige dans l’inspiration d’Olivia Ruiz. C’est Juliette Gréco qui t’a décomplexée et qui t’a poussée à enfin écrire ton album presque de bout en bout ?
Déjà, le fait que « La femme chocolat » fonctionne m’a bien décomplexé en tant qu’auteure. Je me suis dit J’écris la moitié de mon album et c’est celui là qui marche !. L’album d’avant a eu un joli succès d’estime mais n’avait pas cartonné et je n’avais fait qu’une seule petite chanson. Déjà, ça a été un premier cap. Et effectivement, le fait que Juliette Gréco me prenne deux chansons, ça a fini de m’ouvrir. Quand tu me parles du vertige de l’écriture, il y a ce truc là. Il y a une appréhension du fait que mes textes prennent possession de moi, pour me recracher en pleine figure tout ce que j’ai au plus profond et que je n’ai pas sorti. Ce n’est pas forcément facile de s’y atteler. C’est un peu comme si on faisait son travail classique d’auteur est qu’en même temps une thérapie s’impose avec l’écriture. L’écriture fait ressortir des réalités qu’on n’a pas forcément envie d’affronter. Le passage par l’écriture ramène des choses sans qu’on le décide ou qu’on le veuille.

Dans le précédent album il y avait cette thérapie de groupe. Ce qui a changé c’est que tu es devenue une auteure au sens littéraire du terme. De la thérapie et de la réalité, on transcende et on va vers le métaphorique et le poétique. On peut partir de soi mais on a la sensation que l’introspection doit devenir universelle ? C’est ça le travail d’auteure d’Olivia Ruiz ?
Oui, de toute façon, à chaque fois que je termine une chanson je me pose cette question : « Est-ce que ça n’intéresse que toi, est-ce que tu es en train de faire quelque chose d’hyper nombriliste qui ne va intéresser personne ou est-ce que ça peut parler à d’autres que toi ? ». Sur « Elle panique », quand je termine la chanson, je me suis dit que je n’allais pas la mettre. Je me suis dit que c’était hyper égocentrique cette chanson, mes petites angoisses, mon petit combat contre mes petites angoisses… Et au bout de la troisième personne, de sexe et de génération différente, qui te dit « Mais tu parles de moi dans cette chanson », on commence à se dire que l’on s’est trompé. Si ça raconte quelque chose et que certaines personnes se sentent concernées, c’est que ce n’est pas juste une petite chanson auto thérapeutique. Ça peut être thérapeutique pour d’autres aussi qui tout à coup se sentent pleinement concernés.

Ça peut être vertigineux, satisfaisant ?
Ce weekend j’étais avec une fille de 48 ans, qui m’a dit « Enfin une chanson écrite pour notre génération », en parlant de « Elle panique ». C’est incroyable, parce que ce n’est pas du tout le cahier des charges de départ ! La petite anecdote rigolote est que j’ai fait écouter cette chanson à ma mère. Elle me dit « Oh là là mais tu parles encore de moi dans cette chanson ! ». Je lui ai dit que non, je ne parlais que de moi. Effectivement, on se dit que les angoisses de prétrentenaires, sont les mêmes que celles des trentenaires, de quarantenaires… On est tous égaux face au temps qui passe, face au devoir de combat qui doit être le nôtre pour rendre les choses belles et positives, toujours en état d’avancement. C’est la meilleure des récompenses quand quelqu’un te dit qu’il se sent hyper concerné. Dans mon cas, quand c’est un mec de 50 balais, avec un job qui n’a rien à voir avec le mien et qui n’a pas la même vie que moi, je me dis que c’est bon, que j’ai peut-être tapé juste.

On a l’impression qu’à travers l’écriture et les chansons comme Les crêpes aux champignons, il y a la jubilation de mettre en scène des histoires. C’est peut être là dessus que tu as le plus travaillé ? Sur cette façon de raconter des histoires avec un début, un milieu et une fin ?
« Les crêpes aux champignons », c’est peut être une des chansons dont je suis la plus fière. C’est quelque chose que je ne fais pas naturellement, écrire une chanson à chute, alors que j’adore ça chez les autres et en tant qu’auditrice. J’aime ça, raconter des histoires, mais je ne les fais jamais sous une forme ordonnée à la façon des auteurs que j’apprécie. Et puis je me suis rendue compte que « Le saule pleureur », sans chercher à faire une chanson à chute, en est une aussi. « Les crêpes aux champignons », je l’ai retourné dans tous les sens pour essayer de dévoiler la clé du mystère de cette femme juste à la fin du morceau. S’il y a bien une chanson dont je suis fière c’est celle là, parce que c’est un exercice pour moi, alors que le reste est craché très spontanément. Là il y a un vrai travail de puzzle.

Il y a quelque chose de très cinématographique, on a l’impression, dans cette volonté de transmettre. Restons sur Les Crêpes aux champignons, il y a presque un côté hitchcockien, de mettre un climat dans la musique et dans l’intention des mots.
C’est vrai que j’aime ça, j’aime les atmosphères, qu’il n’y ait que deux notes. Je suis tout le temps à faire la guerre à mes musiciens, en leur disant « un minimum pour un maximum d’effets ! ». J’entends qu’ils ont toujours envie, c’est normal, ils sont tous supers forts, ce sont tous des prodiges qui ont eu un enseignement très scolaire. Ils sortent du conservatoire, de l’école de jazz. Et je suis toujours à leur casser les pieds en leur disant qu’il faut avec trois notes et une tenue, il y ait déjà un climat qui se dessine. À partir de là on peut visiter le morceau en étant très parcimonieux au niveau des arrangements. Donc j’adore ça. Je suis impatiente d’attaquer les répétitions de la tournée pour ça, des choses qu’on a trouvées pour les répétitions acoustiques et sur lesquelles on se dit tout à coup « Avec deux notes de sanza, on est super angoissé…. ». C’est peut être la partie la plus ludique du travail, le moment où il n’y a qu’à jouer et à assembler des choses. On se dit « Ça ne doit pas aller du tout ensemble, je vais mettre ensemble pour voir s’il ne se passe pas un truc ».

LES ALBUMS D’OLIVIA RUIZ SONT DISPONIBLES ICI

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