Artiste

Gérard Lenorman

Publié

le

En 1969, Gerard Lenorman faisait un peu peur. Il était coiffé comme un Playmobil. Sur les plateaux de télévision, il chantait avec une joie presque effrayante, les yeux écarquillés. Et, à la pose extatique, il ajoutait sans complexe des paroles heureuses. Double blasphème… Car, cette année-là, Serge Gainsbourg susurre Elisa, Johnny Hallyday hurle Que je t'aime et France Gall, boudeuse, joue La poupée qui dit non. On chante l'érotisme ou les blessures amoureuses, la mine sombre. Il ne viendrait à l'esprit de personne de sourire derrière un micro. Sauf Gerard Lenorman. Dès 1970, il prévient « Laissons entrer le soleil », adaptée de la comédie musicale Hair. Ses chansons tournent autour des jours heureux, des fêtes des fleurs, des éclaboussures de mémoire, très loin des poses destroy et des astres noirs. Un rocker? Pas loin… Gérard Lenorman a compris, le premier, que le bonheur est une vraie rebellion. Il a flairé qu'une Ballade des gens heureux, en 1975, soulevait plus de montagnes qu'une guitare cassée sur une baffle. Qu'à un moment ou à un autre, la communauté humaine réclamerait sa part d'espoir et de regard écarquillé. Alors, depuis quarante ans, le Petit Prince mène sa révolution, un sourire aux lèvres.

Il la mène obstinément, même quand elle n'intéresse personne. Les années 80 n'auront que faire du bonheur, et lui préfèreront la jouissance. Qu'importe: Lenorman s'accommode de l'oubli et chante toujours, conscient d'être « bon qu'à ça » comme disait l'écrivain Samuel Beckett, une autre grande figure rock'n roll, obsessionnelle, à rebours de son temps… et visionnaire. Quand Gerard Lenorman chante Si j'étais président, il dessine, avec vingt ans d'avance, une politique bling bling, raille un casting gouvernemental très actuel, rit des effets d'annonce et du culte de la personnalité, bref, prédit le paysage politique d'aujourd'hui. Heureux qui communique, du nom d'un album plus tardif, annonce la couleur contemporaine… La joie béate de 1969 cachait bien son jeu! En 2000, Gérard Lenorman chante La Force d'aimer, dans laquelle il donne son code secret. Il parle de « pub sans affiche » – sa force, celle d'être un « Vagabond », sur les routes, sans cesse en tournée, loin des pages People et du gigantisme marketing. Il parle aussi de « ces drapeaux d'indifférence: qui te disent ''tais-toi et danse'', » et se demande: « Est-ce qu'il faut prendre les armes? » Pas la peine, une chanson suffira

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Articles tendances

Quitter la version mobile