Scène française

Toma Les bâtisseurs de France

Découvrez Les bâtisseurs de France, le nouvel album de Toma

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Plume efficace, verbe frontal et refrain accrocheurs, Toma livre aujourd’hui « Les bâtisseurs de France », un recueil personnel qui redonne le goût de la contestation à une chanson française qui semblait l’avoir oublié.

Après un premier album qui semble déjà loin, Toma a préféré recommencer à zéro, seul avec sa guitare et sa voix. Remise en cause fondamentale, exercice aussi périlleux que nécessaire : « J’ai repris cette vieille guitare que j’ai depuis l’âge de 6 ans et j’ai tout recommencé. J’ai écrit, réécrit, travaillé les accords, ça a été très dur. Mais il fallait que les chansons fonctionnent d’abord en version guitare-voix, c’est la base« . A l’écart des modes, et des styles, le jeune auteur renouvelle sa plume, rature les premiers mots pour en inventer d’autres, travaillant la matière brute qui brille aujourd’hui sur « Les bâtisseurs de France ». Mots justes et rimes bien troussées, il réinvente une chanson rebelle que le pays avait oublié. Systématique dans le rap, absente d’une chanson française devenue trop lisse, la contestation est chez lui une ossature plus qu’une posture, une essence plus qu’un artifice. Jamais gratuite, parfois bordée d’un humour mordant comme sur l’efficace Non non nonParaît qu’les jeunes sont tous méchants, faudrait qu’on les embarque plus »), cette colère mesurée évite les poncifs et la bonne conscience frelatée pour lui préférer des peintures plus justes où brillent nuances et contrastes. La marque des grands. À travers cette écriture rigoureuse, les cris deviennent des poèmes, les chansons des brûlots qui redonnent un peu d’espoir à la chanson française. Renaud, Brassens et NTM, dans un même souffle.

Appuyée sur une guitare lumineuse qui demeure le centre de gravité, la plume efficace de cet humaniste rouge dessine des comptines dont l’élément biographique n’est jamais absent. Qu’il évoque le climat social ou l’état du monde, Toma le fait toujours à travers une vision personnelle, ce regard intime qui imprime pertinence et personnalité à ses paroles. Il y a chez lui cette manière d’élever son sujet au-delà du sujet, de regarder plus loin que le bout de sa plume, comme lorsqu’il raconte son ami Ousmane en tirant de cette biographie touchante une comptine universelle. Un verbe vif et vivant mûri auprès des rappeurs ou des chanteurs de reggae qu’il a fréquenté, mais aussi dans les disques de Johnny Cash, dans le country-blues qui danse dans ses écouteurs ou les chansons d’Alain Souchon. Jusqu’à dépasser aujourd’hui ces carcans devenus trop étroits pour assumer pleinement sa chanson française cerclée de rouge : « Je n’arrivais plus à me sentir inspiré par les productions du hip-hop, les riddims du reggae. Dans le fond, j’étais incapable de poser sur quelque chose qui soit codifié, assimilable à un style ou à une pensée« . Le verbe haut, la guitare comme seule arme, Toma ne se cache désormais derrière aucune posture, aucun décorum, aucun uniforme. Inclassable par essence, il n’est ni ici ni ailleurs, évoluant dans son propre courant, celui d’une nouvelle chanson française aux airs inquisiteurs, d’un verbe cool qui a repris les armes avec une idée derrière la tête.

Musicalement, cet auteur-compositeur trentenaire est tout aussi difficile à cerner. Chanson française superbement arrangée, reggae discret ou ambiances désertiques à la Ennio Moriconne, il porte en lui les stigmates d’une ouverture musicale tous azimuts qui attire un public de plus en plus large. Jusqu’à le faire remarquer par quelques grands noms de la chanson, parmi lesquels le guitariste et accompagnateur de haut vol Romy Chelminski (Patrick Bruel, Christophe Willem…). Conquis par une prestation live de Toma, le musicien convoque quelques amis et l’histoire s’emballe. Les yeux grands ouverts, Toma enregistre « Les bâtisseurs de France » au milieu des plus grands : Régis Cécarelli à la batterie, Laurent Vernerey à la basse et l’Orchestre national de Paris en fond sonore. Benjamin Constant, réalisateur du tube Fire on the mountain d’Asa complète ce casting de luxe. Pour autant, le chanteur ne dévie pas de son exigeante ligne artistique : une voix portée par des arrangements travaillés, peu de choeurs et surtout de la guitare, une vraie chaleur mais peu d’artifices. Pas besoin d’en faire des tonnes quand on vise juste !

Textes profonds, rimes incisives et refrains efficaces, « bâtisseurs de France » est un disque tout en perspectives et en nuances, le manifeste d’un artiste exigeant qui allie fond et forme, légèreté et profondeur, colère et humour, guitare et flingue. Voix, éloquence et énergie, une variété urbaine qui n’appartient qu’à lui. Une chanson pleine de rêves qui s’adresse à ceux dont les yeux brillent encore, qui savent qu’on peut encore faire trembler le monde avec une guitare et quelques mots

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