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SCH

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SCH a 13 ans. Et il rappe. Tout seul donc. Pour lui et probablement ses quelques amis. Loin du monde et au centre de ses peurs, ses espoirs, ses visions. « J'ai d'abord été influencé par les disques de mon père: Elton John, Joe Dassin, Eddy Mitchell… Je rappais dans ma chambre sur des vieilles prods, des vieilles faces B. Surtout du rap américain. 50 Cent, Eminem, les classiques quand j'étais minot quoi. » Né à Marseille, grandi à Aubagne, puis de retour sur Marseille depuis quelques années. Julien appartient à ces classes moyennes qui n'y arrivent pas. Plus. Son quotidien, ce sont les huissiers qui frappent à la porte avec la régularité d'un métronome, sorte de sample humiliant, inévitable, c'est un daron routier à l'international, qui s'oublie dans la bouteille et qui finit par partir, c'est une mère infirmière qui sait que le 20 du mois, la carte bleue ne crachera plus que des larmes et des menaces. Et des regrets. SCH, ou les trois premières lettres de son nom de famille, d'origine allemande, c'est surtout un rappeur de 22 ans qui risque de déstabiliser les fondations, de déchirer tous les codes et les clichés d'un genre à bout de souffle. Flow travaillé à la solitude et à l'ennui et à la rage, au vocoder napalm et à l'univers paradoxal, où violence et mélancolie dessinent des histoires d'aujourd'hui, les pieds coulés dans le béton et les yeux tournés vers un ciel aux nuages qui grondent et au delà encore, là où l'âme accepte la chute libre pour obtenir des réponses. SCH et le rap, c'est une rencontre qui était écrite. Il a bien essayé de passer son bac, de jouer les manutentionnaires, à porter des palettes de fruits et de légumes, pour rassurer une société qui détestent les esprits libres. Rien n'y a fait. « J' ai pas vécu mes rêves de gosse, je veux me sentir vivre » rappe-t-il sur le titre « Gedeon ». C'est ça et rien d'autre. SCH et le micro, une évidence.

Avec ses potes, ils zonent sur les parkings, partout où les hommes ne font que passer, lui et les siens s'installent, s'ancrent. « Que des parkings, des blocs, des squares, des bancs à zéro degré, pas savoir quoi faire, à crever d'ennui, à se faire chier comme c'est vraiment pas permis, c'était ça notre jeunesse ! Je vais t'avouer un truc: je ne suis jamais allé à un concert, à un showcase. Je n'ai jamais vu un artiste se produire sur scène. Ce n'était pas dans nos habitudes. On était dehors. Automne, hiver, été… On était un peu fermé sur le monde. On faisait notre musique entre nous, c'était fermé et ça nous a aussi sauvés de fonctionner comme ça. On ne serait pas les mêmes personnes sinon… On a toujours grandi en se disant que le rap, c'était tout… » se souvient-il, presque sans amertume. Quand les autres jouent la comédie de la vie, SCH se referme, travaille ses gammes, répète, inlassablement, en attendant le jour où il sera prêt. Prêt pour dire qui il est, ce qu'il veut, où il va. Sa timidité presque maladive ne doit tromper personne: SCH a ce qu'il faut pour tout bouleverser. Quand il parle, il cherche ses mots. Parce qu'il préfère les silences aux explications bancales, aux slogans qui sonnent creux. Il a tout compris. Sur son torse, un tatouage: « Born, live, die ». « Je crois que ça nous résume tous » dit-il, à la fois amusé et solennel. Il y a aussi ce JS sur son poignet droit, en forme de clé de sol, ses initiales et surtout celles de sa mère. « Maman sèche tes larmes, c'est sur toi qu'mes deux yeux sont rivés » chante-t-il sur le morceau « Liquide ».

Il aura fallu attendre 2015. Pour trouver un rappeur français qui décide d'envoyer promener les certitudes. Qui décide de n'en faire vraiment qu'à sa tête, qui se dévoile sans fumée, sans artifice, avec ce qu'il faut de tripes et de talent. Un rappeur qui décide que le rap est une musique populaire, installée, qui n'a plus besoin de son ghetto pour exister. L'art, c'est exactement ça. Briser les codes, piétiner les conforts. Avancer.

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