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Caravan Palace en interview

Public aux abois, Caravan Palace

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Caravan Palace en interview 4

Ne vous retournez pas, vous êtes cernés. Caravan Palace est partout. Après avoir été qualifié de phénomène en parcourant les festivals de l’été, le groupe électro-swing parisien a eu les honneurs de l’émission L’Album de la Semaine sur Canal Plus et illustre à présent la nouvelle publicité pour des baskets ornées de trois bandes. Mais au-delà du petit écran, Caravan Palace se fait aussi une belle place dans la tête d’un public de plus en plus large. Rythmes obsédants, mélodies embaumantes, énergie communicative, ces six zazous de l’électro sont d’une simplicité aussi déconcertante que leur virtuosité. Interview.

Caravan Palace c’est comme un bon café noir. Les basses de Charles Delaporte, les beat d’Antoine Toustou, la virtuosité de Chapi à la clarinette, la guitare surhumaine d’Arnaud Vial, le violon endiablé d’Hugo Payen et la voix cabaret de Colotis Zoé ont le même effet. Etonnant, subtil, ça réchauffe, c’est bon et ça donne un coup de fouet. Caravan Palace, c’est le pari fou de deux jazzmen et d’un deejay de réunir Django Reinhardt et Justice. Rencontre avec deux des fondateurs, dans les loges du Brise Glace à Annecy, les paumettes encore rougies de joutes de scat, de solos techniques, d’un show convaincant et de trois rappels du public.

On vous sent porté par un vent de folie, en ce moment. Il y a comme qui dirait un sacré buzz autour de Caravan Palace ?
Arnaud
: Ben il faut dire aussi qu’on a bien bossé cet été. On vient de sortir notre album, donc cet élan du public est un peu une suite logique. Même si on ne s’attendait pas du tout à ce que ça marche aussi bien. Faire des concerts complets c’est satisfaisant voire encourageant et valorisant. C’est tout ce que je peux te dire, après ce sont surtout les gens qui peuvent expliquer pourquoi un tel bruit autour de nous. Nous, on s’amuse bien, voilà tout.

Nous aussi, on s’amuse bien, avec vous. il y a un côté festif indéniable dans la musique de Caravan Palace. On parle de vous comme les nouveaux Gotan Project, en plus dance-floor. D’où vous est venue cette idée de mélanger l’électro et le swing ?
Hugo : C’est vrai qu’on entend souvent cette comparaison avec Gotan Project, mais je suis un peu réticent. Disons qu’on a appris à vivre avec, parce que si les gens font le lien c’est que finalement ça veut dire qu’on a plus ou moins la même démarche. Et c’est vrai, je le reconnais. Mais pour nous, ce qu’on fait n’a rien à voir avec Gotan Project, on n’est pas dans le même délire, parce qu’on ne s’attaque pas du tout au même style musical, le tango étant nettement moins enjoué que le jazz manouche et le swing. Par contre, attention, on respecte totalement et on apprécie ce que font les Gotan Project. A l’époque où ils ont sorti leur premier album c’était vraiment novateur et on s’est tous pris une grosse claque.

Jusqu’à maintenant, les groupes qui osaient le mélange électro et jazz étaient assez calmes, comme Gotan Project mais aussi Gabin ou encore St Germain. Comme si l’électro-jazz était réservé aux salons lounge. Avec vous peut-on dire qu’on descend s’encanailler à la cave ?
Arnaud : Carrément ! Nous ce qu’on veut c’est envoyer du bois !
Hugo : Ben c’est clair. Le St Germain dont on est proche c’est St Germain des Prés. On se sent plus proche de l’esprit Vian des années 50 que de ce qui a pu se faire en électro-jazz avant nous. Disons qu’on fait moins la gueule quoi !
Arnaud : Mais clairement, on ne s’est pas dit qu’on allait faire un mélange électro et années 30 parce que ça n’avait jamais été fait auparavant, tu vois, avec un côté marketing qu’on nous a déjà reproché. Juste, de l’électro et du jazz manouche, ce sont les seules choses qu’on savait faire. On s’est simplement dit, un jour, tiens on va foutre des « kicks » sur du swing et on verra bien. On avait déjà essayé plein de choses, dans lesquelles on ne se retrouvait pas totalement, et c’est naturellement qu’avec Charles et Hugo on est arrivé tous les trois à la même envie : faire danser les gens. Et ça ne va pas plus loin que ça.

Une envie simple, d’accord, mais qui n’est pas permise à tout le monde. Jouer du swing nécessite une certaine maîtrise de l’instrument tout de même ?
Hugo : Bof, tu sais, nous ne sommes pas non plus des techniciens de dingue. Ce qui nous a servi, au départ, c’est qu’on voyait le swing avec l’œil de l’arrangeur, du compositeur. C’est ce qui nous a permis de facilement l’adapter avec notre vision plus moderne de l’électronique. Maintenant, qui que ce soit qui va s’essayer pendant quelques années au jazz manouche va finalement maîtriser un peu et surtout se faire plaisir. Parce que finalement c’est ça le plus important. Ce n’est pas la technique qui prime, c’est le plaisir qu’on prend à jouer et le plaisir qu’on donne au public. Et ça, malheureusement, beaucoup de gens ont tendance à l’oublier dans le milieu du jazz classique.

Pourquoi tu dis ça ? Vous avez vexé des puristes, avec Caravan Palace ?
Hugo : Oui, et j’ai coutume de dire que sont plus les auditeurs que les musiciens de jazz qui nous crachent dessus. Il y a certains élitistes qui se sentent investis d’une mission de protection du jazz qui nous accusent d’hérésie. Les musiciens, eux, même s’ils ne nous trouvent pas très consistants, pensent au moins qu’on est marrant.
Arnaud : Je ne suis pas du tout d’accord avec ce que Hugo vient de te dire. Parfois, le jazz, c’est aussi un besoin de solitude, avec des improvisations super techniques qui n’en finissent pas. Ce n’est pas pour ça que c’est élitiste. Maintenant là où je le rejoins, c’est que parfois, dans certains festivals il nous est arrivé de jouer en fin de soirée, après cinq ou six artistes de jazz pur. Et au bout d’un moment le public est fatigué d’entendre toutes ces notes. Et les gens sont contents de nous voir, parce qu’on est simple et léger. Mais ne rentrons pas dans ce débat. D’ailleurs tu vas le couper, ça, non ?

Non, parce que quelque part, on peut dire que vous amenez un autre public vers le jazz, et vous réconciliez les amateurs de swing avec l’électro ?
Arnaud : Tout ce qu’on cherche à faire, c’est à envoyer du bois ! Et il est vrai qu’on voulait faire quelque chose d’accessible tout en enchaînant des thèmes assez complexes pour que ça sonne naturel aux oreilles du public. Que ce soit naturel pour lui d’aimer ça, sans qu’il se dise qu’il a loupé une quinte ou une seconde bémol. On voulait faire de la musique abordable et festive, mais pas festive dans le sens ska du terme.
Hugo : Il n’aime pas Marcel et son Orchestre, en fait.
Arnaud : Ça aussi tu vas le couper, non ?

Non plus. Mais tu parles de musique abordable et festive. Comment abordez-vous la construction des morceaux ? Plutôt moderne proche de l’électro ou plutôt rétro proche des années 30 ?
Hugo : Les deux ! Parce que dans les deux cas, le but est le même. Aujourd’hui avec l’électro et avant, dans les années 30, l’objectif était de faire danser et de donner autre chose qu’une musique très consistante et trop réfléchie. Et c’est pour ça que, comme disait Arnaud, on a mêlé naturellement nos deux influences principales qui sont l’électro et le swing et qu’on avait déjà pratiquées de façon plus classique, on va dire.

Autre point commun possible. Le swing arrivait après la crise de 29, aujourd’hui on vit la crise de 2009, les gens avaient peut-être besoin de Caravan Palace, finalement ?
Hugo : C’est marrant tu es le deuxième à nous dire ça ! La première fois c’était pour une interview un jour où la bourse venait de se casser la gueule. Alors je ne sais pas si on est un remède à la crise, mais comme tout projet qui trouve une résonance auprès du public, on peut dire qu’on arrive au bon moment et au bon endroit. Pourtant, de notre côté, on s’est souvent dit qu’on arrivait trop tard. Le swing et le jazz manouche avaient déjà fait leur retour, on pensait qu’on avait un peu l’herbe coupée sous le pied, mais force est de constater que non.

C’est vrai, après tout, on avait déjà eu Scatman dans les années 90 !
Arnaud : Ah tu te souviens de ça ?! Et Doop, tu te rappelles ? On est retombé là-dessus il y a peu de temps, on a halluciné !

Mais Doop, c’était à base de sampling. Vous, au contraire, vous faites tout vous-même, non ?
Arnaud : Les deux. Notre caractéristique c’est de rejouer par-dessus des samples. C’est ce qui donne ce son étonnant. Parce que dans les années 30, sans vouloir parler trop technique, le son était très particulier, très resserré sur les médiums, alors qu’aujourd’hui le spectre du son est beaucoup plus large. D’ailleurs quand j’entends rejouer du swing, à notre époque, je ne le ressens pas de la même manière. Et je pense qu’il y a vraiment une émotion liée au son, à laquelle tout le monde est sensible, inconsciemment. Que ce soit avec du Django Reinhardt, qu’on adore, ou avec du Billie Holiday, du Glenn Miller ou du Cab Calloway. Tu vois, il y a ce côté gramophone qui fait vibrer différemment. C’est pour ça qu’on joue en live, mais qu’on garde tout de même les samples de l’époque.

Et ce sera la même façon de faire pour le prochain album ? Vous avez déjà le temps d’y penser ?
Hugo : Avec toutes les dates qu’on enchaîne, là, c’est un peu difficile de penser à la composition, de trouver un nouveau souffle. En même temps je te dis ça et cette semaine, incroyable, chacun a eu des idées de morceaux, a exploré des voies possibles. Donc les mauvaises langues qui disaient que Caravan Palace allait s’arrêter rapidement, à mon avis, auront tort prochainement.

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