Scène française
Chrisophe Willem Cafeine
Christophe Willem Cafeine
Avec son nouvel opus, « Cafeine », Christophe Willem a pris les rennes de son deuxième album avec une incroyable pertinence. ici la rénovation artistique de l’artiste s’est opérée ici avec beaucoup d’adrénaline et un maximum de caféine.
Le nouvel album de Christophe Willem est forgé par l’envie insatiable de notre performer de sortir de sa légende pour écrire lui même son histoire. Ainsi le voilà auteur sur plus de la moitié des titres de son album, dessinant les contours d’une jeunesse impatiente, sauvage, gourmande et allergique au renoncement de la grande dépression mondiale de ce nouveau siècle.
Ca commence par un orage soutenu par des éclairs de guitares saturées. Tonnerre sombre. Voici surgir L’homme en noir, poussé par le vent du désir. Voix élastique, très souple à l’escalade, scratches massifs, rythmique lourde et crasseuse, Christophe Willem survole sa chanson pour mieux la dominer. Avec lui et la touche d’Alexandre Azaria, Tim Burton devient bionique et spatial. Tout l’album est ainsi, en déséquilibre jouissif entre les entrailles de la terre et les nimbes du ciel.
Berlin, chanson en sous-sol et toute en sex appeal comme pour hurler au monde entier que le bonheur est bien partout. Voyage fantasmique dans la ville de la techno et du « sexor ». Tout s’enchaîne à la vitesse d’un supersonique. Zazie, en sœur veille, et partage les mots de La demande que Jean-Pierre Pilot électrise. Petites pulsions cardiaques deviendront vite opéra groove orgasmique. Christophe Willem décolle à nouveau du dance-floor pour signer la plus belle ballade de son répertoire. Entre nous et le ciel. Cette fois la tortue a des ailes et vole au souffle d’harmonies de cordes qui rappellent que le trip hop est né du côté de Bristol. Angleterre encore et toujours. Nous sommes là au cœur de ce nouveau disque avec les chansons coécrites en compagnie de l’élégante Skye qui avait accompagné Christophe tout au long de sa première tournée. Ensemble ils inventent un langage (sexué), un son (aiguisé), un style (bandant). A l’image de Plus que tout, ballade estivale et enivrante, propice à satisfaire l’épicurien chanteur à fleur de peau et de sens, recentré encore et toujours par une basse abrasive à faire pâlir les marquis excentriques possédés par le démon de la danse. Coffee fait monter la pression du percolateur mélodique de Christophe Willem. Avec lui, « Le R and B français » c’est où il veut quand il veut, car son flow est percussif et les guitares sont presque d’orient. Ce qui donne un titre qui invente. Trash en duo gémellaire avec Skye, c’est encore autre chose. Le plaisir du gimmick poussé à son paroxysme autorise le souvenir d’un Prince minimal, sexe machine échappée de Minneapolis qui reconnaitra sans difficulté les siens.
Alors pourquoi toute cette orgie de sons électroniques qui luttent sans cesse avec un barrage de guitares saturées ? Pour lancer un trio de producteurs de choc dans une sorte de vertige ascensionnel. Tina Harris, Steve Lee et Pete Martin ont eu le loisir de travailler sur une solarisation extrême du son qui donne un coup de soleil au beat blanc de la Perfide Albion. Trois Anglais réunis pour faire de Christophe Willem le premier Français, depuis le grand Serge à la tête de chou, à prendre de force le royaume pourtant uni… Heartbox, en version originale s’il vous plaît, devrait faire frissonner les Top of the Pops. Sans pourtant que l’on puisse reprocher à notre nouvelle star de céder aux sirènes de l’hégémonisme anglo-saxon. Bien au contraire, avec Zazie encore dans Yaourt et Lavabo, et aussi Jennifer Ayache, diva du Superbus dans Tu te fous de nous , la France prend un Eurostar d’avance. Les filles dans cet album sont à l’affaire avec brio. Et puisqu’il s’agit encore peut-être de vous prouver que Christophe Willem est bien français, le voilà enfin mûr pour nous écorcher avec ce romantisme imbattable qui a forgé toute notre exception culturelle… Fragile, composée par Ben’s Brother, et Si je tombais prouvent s’il en était encore besoin la sensibilité extrême du bonhomme. Une sorte de mec écartelé entre son vertige de l’enfance et son désir de cupidon. Entre les deux son corps balance et son cœur aussi. Confusion des genres ? Plutôt lâcher prise. Une forme de plaisir aphrodisiaque et ultime, qui de fait traverse ainsi ce disque de bout en bout, excité par la caféine des petits matins de chair et transcendé par l’adrénaline des soirs de fête. Le premier album de « l’antécrise ».
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