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François Damiens en interview

A l’occasion de la sortie de son premier long-métrage, François Damiens s’est confié dans une longue interview.

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A l'occasion de la sortie de son film "Mon Ket", découvrez l'interview de François Damiens

Dany Versavel a un souci avec son fils : à 15 ans, Sullivan ne veut plus d’un père qui fait le king derrière les barreaux. Pour Dany, son « ket », c’est sa vie, hors de question de le laisser filer. Il décide donc de s’évader de prison prématurément ! Entre cavales, magouilles et petits bonheurs, il a tant de choses à lui enseigner. Un apprentissage à son image. Au pied de biche, sans pudeur ni retenue. Mais là où l’on ouvrait craindre le pire, se cache peut être le meilleur… A l’occasion de la sortie de son premier film, découvrez l’interview de François Damiens.

« Mon ket » est votre premier film de réalisateur. Aviez-vous depuis longtemps l’idée de passer à la mise en scène ?
En tout cas, j’avais depuis longtemps en tête l’idée d’écrire un lm qui parlerait de la filiation, de la paternité. C’est un thème qui me touche beaucoup, celui de ses parents et donc des pères qui essaient de faire du mieux possible pour élever leur enfant mais qui au final font tout le contraire ! Il y a chez eux une vraie volonté de bien faire mais en les regardant agir, on sait nous que ce n’est pas la bonne façon de procéder et qu’évidemment c’est le gamin qui va morfler !

Le titre du film, « Mon ket » est une expression typiquement bruxelloise qui parle de la fierté d’être père…
« Mon ket » c’est une manière de dire mon fils mais avec la fierté d’un père, comme une prolongation de sa propre personne… Avec l’idée que ce fils réussisse là où son père a échoué. Dany est fier que Sullivan soit encore plus audacieux que lui !

Ce n’est pas anodin pour un comédien de devenir réalisateur…
Non mais le fait que ce soit moi qui réalise le lm n’était pas évident au début. C’est en arrivant au terme de l’écriture du lm que je me suis rendu compte que je n’avais personne pour le faire et que je ne connaissais aucun metteur en scène qui soit venu passer ne serait-ce qu’une journée sur un plateau de caméra cachée… C’est un exercice très particulier. Quand j’en faisais pour la télévision, il m’arrivait souvent de passer derrière la caméra pour diriger les choses, ce qui était forcément très inconfortable pour les réalisateurs ! C’est comme engager un cuisinier et préparer le repas à sa place…

Pourquoi d’ailleurs avoir voulu conserver ce principe de la caméra cachée pour « Mon ket » et ne pas avoir placé votre histoire dans celle de la pure fiction avec de vrais comédiens ?
J’adore le principe de jouer la comédie avec des gens qui eux ne sont au courant de rien ! Ca donne souvent de très grands moments, partant du principe que l’on ne peut pas être plus juste, plus réel que ce qu’on est dans la vie… Je trouvais intéressant de pousser l’exercice à un récit de long-métrage.

Ca n’a pas été compliqué pour vous de devoir gérer à la fois ces anonymes amateurs et les acteurs que vous aviez choisis pour incarner votre fils ou votre frère par exemple ?
Non parce que je les plaçais eux aussi dans une situation où je leur donnais très peu d’informations sur ce qui allait se passer ! Ils connaissaient évidemment les grandes lignes de l’histoire que nous devions raconter mais au-delà de ça, je leur demandais surtout de se laisser aller… Alors bien entendu, il m’est arrivé de diriger un peu plus mes « comédiens », comme le petit garçon qui joue mon fils (Sullivan), pendant que nous tournions mais pour les anonymes qui se trouvaient autour, ça passait comme un échange entre un père et son fils…

De quelle manière est né Dany Versavel, ce personnage incroyable que vous jouez ?
Je pense qu’il a toujours existé dans ma tête. En Belgique, on appelle ça un « baraki », c’est-à-dire un type sans foi ni loi, complètement en marge des règles de la société. Dany n’a aucun filtre, il fait exactement ce dont il a envie. Cet homme- là n’a aucune pudeur, aucune retenue : il n’a aucun complexe, ni de supériorité ni d’infériorité ! Pour moi, c’est une sorte de cow-boy qui navigue entre la prison, la cavale ou la liberté en se sentant chez lui partout… Son sens des relations humaines est très particulier et quand Dany parle à son fils, il le fait comme il le ferait avec n’importe qui… Pour lui, tout le monde est sur un pied d’égalité. Rien ne compte : ni sa voiture, ni sa maison, ni son look…

Parlons justement de l’aspect visuel, corporel du personnage. De quelle manière l’avez-vous imaginé et construit ?
Pour moi, il devait porter des vêtements confortables mais sans aucune notion esthétique : Dany peut porter une veste de training avec un jean vieux de 15 ans… C’est un homme en surpoids donc il se tient un peu cambré en arrière en bombant le torse, d’autant qu’il a une certaine idée de lui-même et que personne ne l’impressionne… Il a des dents pourries et un teint franchement rougeaud parce qu’à table son régime alimentaire c’est souvent steak-frite-mayonnaise, arrosé de deux ou trois bières, puisque pour lui ce n’est pas de l’alcool ! Ça ne l’empêchera d’ailleurs pas de boire ensuite un ou deux ballons de rouge, tout en espérant que le patron du resto lui offre un digestif…

A-t-il été facile d’amener le personnage de Dany Versavel au milieu des « vrais gens » car, à la fin de vos caméras cachées télévisées, on vous reconnaissait de plus en plus souvent ?
Tout l’enjeu a été justement de beaucoup travailler la métamorphose pour éviter cela. C’est en effet le gros écueil de la caméra cachée : quand vous êtes reconnu, vous devez jeter la prise à la poubelle et quand vous pensez avoir été reconnu, ça fausse le jeu et ça plombe la scène… C’est comme raconter une blague à quelqu’un en se demandant s’il ne connaît pas déjà la chute ! Le maquillage de Dany était donc essentiel et ça nous prenait de 3 à 4 heures chaque jour. Je peux vous dire que c’est très inconfortable : j’avais des prothèses dentaires, des décolleurs d’oreilles et des écouteurs, un faux ventre, de fausses cuisses… Tout cela est vraiment contraignant et pas du tout bon pour la peau puisqu’on utilise des solvants qui sont en contact avec les yeux ou la bouche… Et puis autre élément important : dans les caméras cachées, si je jouais un guichetier de péage refusant d’ouvrir la barrière ou piquant une carte bleue, c’est moi qui menait la situation. Là, j’étais en quelque sorte le client, soumis à la réaction des piégés qui pouvaient ou pas jouer le jeu. Je dirais que 8 fois sur 10 ça a bien fonctionné pour « Mon ket »…

Parmi les moments où ça fonctionne justement de manière incroyable, il y a cette scène dans la salle d’attente de l’hôpital avec le dénommé Richard. Vous êtes supposé être en cavale, on voit votre visage aux infos et pour lui, ça n’a aucune importance !
Oui et je me rends compte en discutant avec lui que si Dany, mon personnage est supposé avoir fait 10 ans de prison, Richard lui dans la vraie vie en a fait 30 ! Là j’ai été scotché, piégé en beauté… Les infos annoncent que je me suis évadé le matin même en hélicoptère, on voit un gardien de prison s’exprimer et Richard me dit « lui c’est Sébastien » ! C’est là où je percute en me disant qu’il a forcément fait un tour en prison. Honnêtement, j’ai même pensé qu’il pouvait être armé… A partir de là, mon but est de l’amener jusqu’au bout de la situation, en espérant qu’à la n, il accepte de signer l’autorisation de diffusion. Ma crainte, c’était qu’il balance des infos compromettantes, des noms ou qu’il soit lui-même en cavale ! J’ai donc essayé de poser quelques questions sans en avoir l’air pour mieux le cerner sans éveiller ses soupçons…

Autre séquence formidable, celle où vous êtes avec votre fils dans la supérette et que vous lui apprenez à fumer devant une cliente médusée qui vous prend à partie…
C’est une pharmacienne en fait et elle a été complètement déstabilisée, outrée par la situation ! Très rapidement, elle s’adresse à l’enfant en lui demandant s’il a une maman et comme il lui répond que sa mère est morte, cette dame comprend que je suis moi, son père, celui qui doit l’élever… Or, je suis en train non seulement de lui apprendre mais de l’inciter à fumer ! Elle se retrouve seule car en plus, le patron du magasin est plutôt passif…

Quand vous vous retrouvez vous, acteur et metteur en scène, devant des amateurs qui, (comme cette dame ou Richard), deviennent de vrais personnages de cinéma, aussi convaincants que des comédiens, devenez-vous aussi un peu spectateur de la situation ?
C’est en effet toute la difficulté de l’exercice de la caméra cachée mais j’en fait depuis longtemps et j’ai l’habitude de toujours essayer de garder le contrôle de la situation, même si mes « victimes » continuent de me bluffer. Il faut rester le plus concentrer possible : les fois où je me suis relâché, c’est là où les choses sont parties en fou- rire, parce que la situation devenait trop énorme… Dans la scène du banquier, quand il se met à parler en anglais et que mon partenaire me dit « je ne comprends pas le flamand », j’ai été tellement surpris qu’il m’a fallu beaucoup d’effort pour rester sérieux et ne pas gâcher la scène, sachant évidemment qu’on ne pourra pas la tourner à nouveau…

Quelle est la part d’amateurs et de vrais acteurs dans ceux qui jouent vraiment dans le lm et qui ne sont pas piégés ?
À part Tatiana Rojot, qui joue ma femme, tous les autres sont des acteurs amateurs occasionnels, comme le jeune garçon qui interprète mon fils (Mattéo Salomone), son parrain (Christian Brahy) qui est couvreur dans la réalité où Nancy Sluse qui joue ma 2e femme… Tous les autres personnages, j’insiste bien sur ce fait, sont des quidams de la vraie vie. Cela représente tout de même environ 25 personnes qui n’étaient au courant de rien, filmées à leur insu et dont il a fallu gérer les réactions, évidemment totalement improvisées ! Rien n’était classique dans ce projet : le scénario ne faisait pas plus d’une trentaine de pages et les dialogues étaient juste au stade de quelques idées jetées sur le papier avec Benoît Mariage… Je n’ai jamais emmené ce scénario avec moi sur le tournage car j’avais exactement en tête depuis trois ans ce que je voulais faire. Je voulais garder de la fraîcheur…

Avez-vous le sentiment d’avoir fait un film très à part dans le paysage cinématographique actuel ?
En tous les cas, je ne l’ai pas fait pour ça… J’avais surtout envie de garder le principe de la caméra cachée mais de l’articuler autour d’une histoire qui ne soit pas qu’un enchaînement de séquences et qui permette de faire évoluer un personnage dans des situations de vie. Vous savez, je pourrais longuement parler de Dany Versavel, au-delà de ce que montre « Mon ket ». Je sais exactement là où il est né, de parents quinquagénaires à sa venue au monde, son père tenait un magasin de hi-tech déjà un peu démodé, il a grandi à Anderlecht en banlieue de Bruxelles, sans beaucoup d’amis. Quand il a commencé à sortir, vers ses 16 ans, Dany a vite pris les chemins de traverse, en ne rencontrant pas les bonnes personnes. Je pense aussi que son premier amour était une femme plus âgée que lui… Donc sa vie n’a pas très bien commencé, il n’a pas fait d’études et a enchaîné les petits boulots en voulant être le patron à la place du patron. Dany a donc basculé dans la délinquance mais sans devenir un vrai truand ou un tueur : ce sont toujours des arnaques un peu minables mais qui peuvent pense-t- il lui rapporter gros… J’en connais vraiment : ces types qui ne se posent pas de question mais qui vivent l’instant présent sans se soucier de demain ou de là où ils seront dans dix ans… Pour eux, chaque jour est une bataille qu’il faut gagner.

Sans trop révéler des secrets de fabrication du lm, est-ce que le dispositif technique a été lourd à installer ?
Oui, beaucoup plus que je ne l’avais imaginé. Pour les caméras cachées de la télévision, nous étions moins d’une dizaine sur le terrain. Là, j’ai dû gérer une équipe de parfois plus de quarante personnes… Moi qui aime la légèreté et la liberté, j’ai été obligé de composer et de m’adapter à une équipe de cinéma qui forcément attend que vous fassiez votre petit numéro pur passer à la scène suivante ! La logistique était également très pesante : l’installation des caméras, le fait que les piégés ne devaient pas se croiser quand nous étions contraints à refaire une séquence qui n’avait pas fonctionné… Il faut donc faire de vrais et longs repérages, discuter avec les responsables des lieux, (comme ceux de l’hôpital par exemple) qui, au premier rendez-vous, sont très sympathiques mais qui changent vite d’humeur en se rendant compte du dispositif à installer ! Au final, j’ai pu compter sur une équipe formidable et compréhensive, composée de mes collaborateurs habituels, avec qui je travaille en caméra cachée depuis une dizaine d’années, et des techniciens de cinéma. Il a parfois fallu arrondir les angles mais après quelques soirées, tout le monde a ni par se parler et bien se connaître !

Dans quel état d’esprit êtes-vous au terme de cette première expérience de réalisation ? Avez-vous déjà l’envie de remettre le couvert ?
Pour rester dans la métaphore culinaire, je dirais que je me sens comme un convive après un copieux repas : je n’ai pas forcément envie de repasser à table tout de suite ! Mais j’ai très bien mangé et si mon plat a plu à d’autres, aux spectateurs en l’occurrence, ça me tentera sans doute à nouveau. En tout cas, j’ai adoré l’expérience et le fait de travailler en équipe, entouré de gens compétents qui allaient tous vers le même but en essayant de résoudre les difficultés. Il faut savoir que rien n’est plus compliqué que de réaliser une caméra cachée car rien n’est prévu pour. Il faut tout dissimuler : les caméras bien entendu mais aussi les micros, les techniciens… Tout peut se prévoir mais rien ne se contrôle : les gens comme le temps qui passe ou la météo… Franchement, après ce film, en tant que simple acteur j’aurai encore plus de respect pour mes prochains réalisateurs !

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