Scène française
Interview Indochine
Interview Nicola Sirkis et Boris Jardel
Pour la sortie de l’album « La république des météors », Zikeo s’est entretenu avec Nicola Sirkis et Boris Jardel pour une explication en tête à tête.
L’album « La république des météors » vient de sortir. Ça a été un album simple, compliqué, difficile, facile à réaliser ?
Ça n’a pas été si difficile que ça. Ça a été un album plus angoissant pour moi parce que c’est la première fois que j’arrivais aux cessions d’écriture sans avoir aucune idée, aucun concept, je ne savais pas bien de quoi j’allais parler. Au niveau musical, avec le groupe, on avait la tentation d’essayer tout ce qu’on voulait découvrir et tenter comme expériences. Musicalement c’est allé très vite et on a été prolixe puisqu’on a fait une quarantaine de projets. J’ai eu une sorte d’angoisse. J’ai détesté l’écriture parce qu’à chaque fois qu’on avançait il manquait quelque chose. J’ai fait un break à un moment donné, j’avais besoin de m’aérer et de prendre de la distance, vivre un peu, lire, écrire, voyager. Ce n’est pas difficile de faire un album, c’est génial. Mais on est assez exigeant avec nous même, on ne veut pas juste sortir un album de plus. Chaque album est pris comme un premier album pour moi. C’est un investissement assez fort, et même pesant. Mais c’est génial.
L’album s’appelle « La république des météors ». Est-ce que vous pouvez nous expliquer le titre ?
C’est difficile d’expliquer un titre, surtout celui là. Ça remonte au livre de Michel Tournier, « Les météores », que j’ai lu à 16-17 ans. C’est un livre qui m’avait marqué et je suis retombé dessus il y a quelques mois. Un jour, on était en train de finir l’album et quelqu’un m’a demandé : « comment tu pourrais résumer ce que vous êtes en train de faire ? ». Justement, ce n’est pas résumable. J’ai l’impression que cet album va arriver comme un météore, assez vite. Il va éclater dans tous les sens, parce qu’il y a des morceaux qui partent dans tous les sens. C’est l’album qui regroupe toutes les influences les plus importantes de notre vie musicale, artistique, littéraire, sociale, historique… « La république des météors » est la république d’Indochine, mais c’est aussi notre leçon de vie. Apparemment, c’est aussi une leçon de vie pour beaucoup de gens. Sur cette pochette, il y a à la fois des personnages illustres et anonymes, mais qui ont laissé des traces, qui ont vécu des choses assez bouleversantes et qui ont crée des choses assez bouleversantes. On est dans un monde qui va trop vite. C’est ce qui m’intéresse. « La république des météors » est une république dans laquelle on est loin d’être dupe. On en fait parti mais de loin.
Justement c’est la première fois qu’on peut lire un message politique explicite dans un album d’Indochine. « On sera républicain de loin« . C’est vraiment politique ou c’est juste pour la beauté de la phrase ?
C’est d’abord pour la beauté. C’est pour la rime. J’étais content d’avoir trouvé cette rime, « républicain de loin ». On a fait plusieurs trucs politiques, « Dissidence politique, « Les tsars »… On est républicain de loin parce qu’on n’est pas dupe des mensonges des gens qui fabriquent ces républiques et qui les gèrent. Ça peut être la république française ou les autres, la république philosophique, une république des mots, des films. Ça n’a pas qu’un sens politique. Ce qui pourrait résumer la crise financière dans laquelle on est, c’est le mensonge. Des gens ont menti à d’autres ou ont menti à tout le monde en voulant arnaquer les uns et les autres. Tout est basé là dessus. A l’école, on m’a toujours appris que le mensonge tue. Aujourd’hui, le mensonge tue encore plus. Il est surtout en train de faire une sorte de complexe social qui n’est pas favorable à ça. Les gens s’en rendent compte parce qu’on ne peut plus mentir impunément aujourd’hui. Grace à l’information éparpillée, tout le monde a accès à tout et n’importe quoi. On peut toujours retrouver le discours d’un Président de la République qui dit ça un jour et qui se contredit le lendemain. Il n’y a plus de repère.
Vous parlez de république. Est-ce que Indochine est une démocratie, dans le fonctionnement du groupe ?
C’est une très bonne question. Je n’ai pas la sensation d’avoir affaire à un dictateur. Je pense que c’est une démocratie. Après il y a peut être un chef d’Etat mais c’est quelque chose qui est bien vécu dans le groupe. Il n’y a pas de problème d’égo par rapport à ça. Tout le monde peut dire et faire ce qu’il a envie. Après, on est tous dans le même bateau et on va tous dans la même direction. On s’engueule comme dans tous les groupes ou dans tous les couples.
Sur cet album il y a la chanson « Playboy », une chanson à la première personne, dans laquelle vous dites des choses qu’on a l’impression n’avoir jamais entendues à propos de vous. Est-ce vraiment vous qui parlez à la première personne ?
Je suis étonné de toutes les réactions autour de cette chanson. Dans « Troisième sexe », je dis bien « habillé comme ma fiancée, déshabillé comme mon fiancé ». Peutêtre que je touche au sacré en disant « un jour j’ai essayé les vêtements de ma mère ». J’aurais dû dire les sous vêtements de ma mère… Mais parler de moi, oui et non. C’est surtout une chanson totalement ludique. Je dis bien que je suis « un cas désespéré et désespérant ». Désespérant pour plusieurs choses, je suis prêt à toutes les expériences et j’assume ça. Je suis un cas désespéré d’oser le dire. Mais ça m’amuse de parler de moi. Je dis aussi que j’aime les snuff movies et le sexe. Je n’ai jamais vu de snuff movie. C’est une métaphore pour dire que nous sommes irrationnels. Je dis que je n’aime pas les Français qui habitent en Suisse. C’est désespérant pour la plupart des artistes qui gagnent beaucoup d’argent et qui se disent « de quoi il se mêle ! ». J’assume sans problème. Je pense que je ne suis pas le seul sauf que je le dis. Ce playboy là est salement désabusé.
Il y a ce duo avec Suzanne de Pravda, Un ange à ma table. Comment s’est fait le travail avec elle ?
L’envie d’un duo, d’une rencontre avec elle ? Dans « Paradize », J’avais envie d’un duo. J’ai écrit la chanson Un grand secret pour faire un duo. Je voulais vraiment une fille et un garçon parce qu’il y avait une ambigüité, la fille prenant le rôle d’un garçon. Dans « La république des météors », quand l’album a été fini, « Un ange à ma table » était une chanson qu’on avait écartée de l’enregistrement. J’avais 18 textes en chantier, à terminer. J’ai voulu de l’aide de plusieurs personnes. On s’entendait très bien avec Suzanne depuis qu’elle a fait nos premières parties. Je lui ai dit : « Viens avec nous à Bruxelles, on essaiera d’écrire deux ou trois morceaux« . Elle avait envie d’écrire. On s’est confronté comme ça sur Go Rimbaud Go. Je lui ai fait écouter Un ange à ma table, elle m’a dit qu’elle aimait bien ce morceau et on a commencé à l’écrire. Elle a commencé à le chantonner donc on s’est mis devant le micro et on a balancé le truc. Ça s’est fait spontanément et ça a été un réel travail à la base au niveau de l’écriture et du chant. C‘est pour ça que ça sonne vraiment comme une réponse. C’est un des morceaux les plus bouleversants qu’Indochine ait écrit. Je suis assez content de ça. Sur scène quand on le joue il se passe un truc impressionnant dans la dualité entre l’homme et la femme. Ça peut être perçu comme un dialogue.
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