Scène française
BERTRAND BELIN Hypernuit
Le nouvel album de Bertrand belin Hypernuit
Avec « Hypernuit », son troisième album solo, Bertrand Belin trace toujours son chemin entre lyrisme et austérité. Une fois de plus, il a trouvé l’équilibre le plus limpide de la mélodie et de la poésie, l’alchimie unique d’une musique à la fois luxuriante et dénudée.
Bertrand Belin appartient à cette généalogie de stylistes qui détournent les vieux fleuves épuisés pour sculpter des jeux d’eau dans des jardins savants. Il sait tout de la chanson, de la pop, du rock, et compose dans un langage à part où l’on surprend autant de l’art de Claude Debussy que de Dominique A, autant d’Alain Bashung que de Bob Dylan, autant de country music que d’Elvis Costello…
Avec « Hypernuit », son troisième album solo, Bertrand Belin trace toujours son chemin entre lyrisme et austérité. Une fois de plus, il a trouvé l’équilibre le plus limpide de la mélodie et de la poésie, l’alchimie unique d’une musique à la fois luxuriante et dénudée. Le disque a pour l’essentiel été joué à trois, avec Tatiana Mladenovitch à la batterie et Thibault Frisoni à la basse. La musique de « Hypernuit » est grande ouverte, comme une maison qui se laisse emplir par la brise et les senteurs de l’été, même sur les quelques chansons que Bertrand Belin a enregistrées seul. Des maisons, il lui arrive d’en visiter. Il faut dire qu’il a de beaux voisins tels que JP Nataf qui l’a invité sur « Claire », son dernier album, ou Bastien Lallemant pour lequel il vient de réaliser avec Albin de la Simone « Le Verger ». Curieux, amateur d’escapades et de hors-piste, on l’a vu également dans les spectacles « Imbécile » d’Olivier Libaux ou « Sombrero » de Philippe Decouflé.
Avec les albums « Bertrand Belin » en 2005 et « La Perdue » en 2007, il avait manifesté autant d’audace tranquille que de singularité fervente. Il ne cache pas qu’il aime que la trajectoire qui relie un album à l’autre soit Une route accidentée. Une voie d’intranquillité qui me conduit au renouvellement. Dans « Hypernuit », en tout état de cause, il y a une évolution de l’ordre de l’élagage, du tamisage. Cela répond à un désir d’assèchement des figures et des arrangements. Un éloignement de la rutilance de « La Perdue ».
Il y a trois ans, « La Perdue » était peuplé d’échos de Ravel ou de Mendelssohn et d’intrusions de l’orchestre classique. Pour « Hypernuit », il n’a plus voulu des cordes et des vents : « Si je parviens à célébrer la musique que j’aime quand je compose, si l’on peut reconnaître dans mes chansons une manière d’empreinte de ce que j’aime et écoute sans que j’aie besoin de disposer des pancartes et des signaux lumineux, alors je suis ravi. « La Perdue » a pu jouer ce rôle de vitrine. « Hypernuit » parle moins mais dit plus. »
Belin a tenu à « utiliser le moins d’effets possibles, aller chercher le caractère contemporain ailleurs que dans le déploiement des signes et des clichés qui le valideraient. Voir ce qui reste de son temps quand on l’a délesté… » Autrement dit, « rechercher le classicisme » plutôt qu’emprunter au classique.
Il ne cache pas qu’une part de son projet avec ce troisième album était de « ne pas céder aux qualités plastiques de la phrase et revenir un peu sur cette idée que seules leurs sonorités devaient présider au choix des mots. Cette fois-ci, les textes n’ont pas été écrits, ne sont pas passés par le papier pour ne pas organiser la phrase selon des concepts graphiques. J’ai souvent mis le casque sur les oreilles et chanté directement, sans écrire. Les textes sont nés au sein même de la musique. »
À propos de ses premières chansons, les critiques avaient clamé jusqu’au nom du grand poète contemporain Philippe Jaccottet. Ne le démentant pas, Bertrand Belin a voulu « moins d’ornementation. Écrire moins pour dire plus. Les phrases viennent facilement mais jamais sans que des motifs s’imposent et se répètent. C’est autour de ces motifs que les chansons se sont construites. J’ai dû me laisser surprendre, gommer, coudre et découdre« . Son univers est pourtant d’une densité romanesque (et énigmatique) constante : des maisons, des végétaux, des situations à l’écart des villes, des rapports humains qui exigent qu’il tranche brutalement dans les non-dits… « Tout cela semble provenir d’un bain d’éléments symboliques et d’objets narratifs obsessionnels. L’oralité m’aide à abolir ma propre censure, cette censure qu’implique l’écriture du texte. Et puis ce sont des chansons, pas de la littérature il est assez naturel de ne pas les écrire puisqu’elles n’ont pas vocation à être lues« .
Et la chanson, ça se chante ! Dans cet album, Bertrand Belin révèle une voix très engagée. « En voyant des chanteurs capables d’incarner leurs textes et de les théâtraliser, je me suis toujours perçu comme le simple haut parleur de ce que j’écrivais. Cette fois-ci, j’ai voulu faire aboutir des textes qui laissent une plus grande place à l’interprétation. » Mais qu’on se méprenne pas : « Pas de grandiloquence. C’est un album patiemment et modestement conçu, mais ambitieux dans mon désir d’invention et de réinvention. »
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