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Scène française

Interview Babylon Circus

Interview Babylon Circus

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Interview Babylon Circus 4

Pour la sortie du nouvel album de Babylon Circus, Zikeo.net vous offre l’interview de David et Manu, deux des membres de ce groupe qui revient de très loin…

La suite de Babylon Circus dépendait aussi de ton état de santé ?
C’est ce que j’allais dire. J’ai flirté avec la mort, c’est pour ça que maintenant j’ai envie d’embrasser la vie. J’étais parti tellement loin qu’on ne savait pas si je reviendrais un jour. Comme quoi à toute chose malheur est bon. Une fois que grâce au groupe j’ai réussi à reprendre pied, à sortir un peu du brouillard, on s’est jeté à corps perdu tous ensemble dans un nouvel album. C’était un nouveau projet dans lequel on a lâché plein de choses. J’ai lâché plein de choses en écrivant les chansons, des choses qui étaient en moi depuis très longtemps, inhibées. Ce nouveau point de vue sur la vie, cette nouvelle manière d’aborder la vie m’a donné envie de me livrer un peu plus. Je joue plus sur les émotions fortes, profondes, parce que ça remue dans tous les sens du terme. Quand tu as le cerveau en miette, le temps qu’il se reconstruise, il s’en passe des choses !

En quoi as-tu cassé la pudeur dans ce que tu as écris ?
J’ai osé aborder des sentiments qui peuvent paraitre un peu faciles en apparence. J’ai parlé d’amour, pas juste en racontant l’histoire simple d’un homme et d’une femme qui se rencontrent, mais en allant y mettre des choses un peu plus viscérales, que ce soit dans l’écriture ou l’interprétation. C’était un peu ce dont on avait besoin à ce moment là. On n’était plus dans le calcul, on n’avait plus trop de recul. Ce qui était important c’était d’aller mieux. Se chanter des chansons, ça reconstruisait notre histoire, ça remettait le groupe sur ses pieds. C’est pour ça que les chansons sont plus profondes et qu’on se livre plus. On recherchait l’émotion, on avait besoin de vibrer. On recherchait des choses qui nous parlent et qui nous soignent. Ça faisait parti de la guérison de David d’écrire. Je pense que c’est pour ça que les chansons sont différentes.

Il faut expliquer que ton état de santé était très préoccupant. Et quand tu as commencé à reprendre tes esprits, le déclic est venu lors d’un concert. C’est ça ?
Pendant trois mois j’ai navigué d’hôpitaux en hôpitaux, en Russie et en France. Les parties de mon cerveau qui ont été abimées m’ont jeté dans un état de dépression profonde, d’apathie, d’aphasie. Il y a même eu des moments où je n’arrivais plus à parler français. On ne va pas entrer dans la neurologie… Mais trois mois après, un concert était prévu à Central Park. Le manager flippait, se disait « J’annule, je n’annule pas ? ». Je ne sais pas si j’avais vraiment un avis. Je savais que j’aimais ça mais je ne savais plus pourquoi. C’était presque une habitude. Finalement, on y est allé. Je suis arrivé, et tout le monde était plus livide que moi parce que je n’étais plus celui que j’avais été pendant 13 ans de concert, très euphorique, très énergique… Là je trainais un peu des pieds. Et finalement, à 4h de l’après midi, Central Park, New York en juillet, le soleil, 5000 personnes. J’ai eu comme un électro choc. J’ai retrouvé mes marques. On a fait un pur concert. Ça a été une bouffée d’oxygène. Il en a fallu des concerts, des soins, du temps avant que je ne retrouve un état normal. Mais en tout cas, mon groupe et les concerts ont été largement aussi puissants que les tonnes de médicaments que j’ai pris. Comme a pu l’être ma famille et mes amis, que j’ai redécouvert et qui m’ont redécouvert. En tout cas, on a redécouvert l’importance du lien qu’il y a entre les êtres chers.

Avec cet accident, vous avez eu l’impression de franchir un pas ? Babylon Circus, on vous connaissait en tant que groupe engagé. Vous étiez reconnus pour ça, vous défendiez des idées sur scène. Et tout à coup vous êtes passés à quelque chose d’autre non ?

On est allé chercher plus en nous même. Cette histoire nous a ressoudés, ça a uni le groupe plus que jamais mais en même temps ça nous a mis chacun face à nous même. On s’est tous remis en question. On ne savait même pas si l’album allait pouvoir naître un jour, c’était quand même super difficile au début. Du coup, on est allé chercher plus dans nos histoires à nous. On s’est moins tourné vers l’extérieur comme avant, à vouloir parler de la vie, des gens et de la société. Je pense qu’on parle de la même chose mais de l’autre coté du miroir. On a regardé qui on était, nous en tant que personne. On s’est tous un peu retrouvé désemparés et tout seul. On a été obligé de penser plus individuellement et moins collectivement, moins dans une matrice. On s’est retrouvé tous un peu éparpillés.

C’est assez paradoxal ?
Il y a eu des moments où on était plus égocentriques, plus égoïstes. Avant, on était tout le temps sur le collectif. Je découvre ça donc je ne trouve pas forcément les mots. On s’est posé des questions très personnelles, très individuelles. David devait vraiment travailler sur lui-même et ça nous a tous embarqué sur ce chemin là. Il y a peut être une différence profonde dans la manière de nommer les choses. Je vais prendre l’exemple d’une des chansons de cet album qui s’appelle « Des fois ». En la faisant écouter à des gens, j’avais d’autres lectures que je n’avais pas vues en l’écrivant. A la première écoute, ça ressemble à une déception amoureuse, une séparation, une rupture. Certaines personnes m’ont dit « ça m’a rappelé que je me suis fait plaquer il y a deux mois, j’ai chialé ». C’est en partie ce que j’avais en tête quand je l’ai écrite. Mais je ne sais pas toujours ce que j’ai en tête quand j’écris, c’est peut être là qu’il y a une libération sur cet album. J’ai laissé parler les mots et les émotions. Sur cette chanson, « il y a des fois où mon coeur de pleurer pour toi, il y a des fois où mon coeur se noie, il y a des fois toi mon coeur je te laisserais là jusqu’à la prochaine fois ». D’autres m’ont dit « ça m’a fait penser à un pote ». Donc là on n’est plus dans le rapport homme femme. Et un autre m’a dit : « c’est marrant, en écoutant ça j’ai eu l’impression d’entendre mon opinion sur la France et ce moment ». En la relisant, il y a des hauts, des bas, des débats d’idéaux, des engueulades, des ébats… Finalement, comme je ne nomme rien dans la chanson, cette personne à qui s’adresse la chanson peut être un ami, une femme, un pays…

Et cette ouverture correspond aussi à une aide extérieure. Certaines personnes sont intervenues, dont Mickaël Furnon ?
Oui, sur « Le fils caché ». Ça a été une chouette expérience parce que c’est une des grandes révolutions sur cet album pour nous. On s’est donné les moyens d’ouvrir de nouvelles portes. On s’est donné les moyens de travailler d’une nouvelle façon, d’aller à la rencontre d’autres gens qui font le même métier que nous mais qui ont d’autres expériences. Dans cette collaboration avec Mickey, il nous a amené cette chanson, « Le fils caché », le fils caché du pape. Il a un côté très subversif avec beaucoup d’humour. Il nous a livré cette chanson, on l’a réadapté. On y a mis notre son et notre interprétation. Il est venu faire les prises de voix avec moi et ça s’est fait de manière très subtile, très vite. Il y a un contact naturel qui s’est fait. Avec Manu, ça fait 20 ans qu’on joue ensemble, on l’a rencontré dans son groupe d’avant, 3DK, un super groupe noise. On est de la même région et même si c’est à Paris qu’on s’est recroisé, c’est la chance, ou le hasard. Il a réussi à me faire interpréter cette chanson en y mettant le plus de neutralité possible. En étant le plus neutre possible, j’avais l’impression de lire une lettre avant de l’envoyer. Ça laisse à celui qui l’écoute le soin de savoir si je reproche quelque chose à cet hypothétique pair ou si j’en suis content… Aller se nourrir ailleurs, travailler avec Mickey a été une des nouvelles épices qu’on a ajouté à notre gamelle.

Babylon Circus est un groupe de scène. Là on a l’impression qu’il y a eu un travail de fond sur l’arrangement de cet album, pour que tout ce qui fonctionne sur scène par l’envie et la spontanéité fonctionne sur le disque ?
En fait, il y a quelque chose de très simple. On a chanté beaucoup de chansons. J’ai écouté une tonne de disques récents ou d‘autres plus anciens. Je me suis dit « pourquoi un groupe que j’adore en live parce que ça envoie, j’arrive quand même à l’écouter dans mon canapé alors que je n’ai pas du tout envie de me prendre 120bpm ? ». Je me suis dit qu’il y avait autre chose que le tempo et l’énergie. C’est sur quoi on a travaillé et avancé sur cet album. On a parlé à l’oreille des gens, faire des chansons qu’on peut écouter chez soi, qu’on peut prendre le temps d’écouter. C’est pour ça qu’on s’est orienté sur des émotions plus humaines, plus profondes, des thèmes plus lents. On a beaucoup travaillé à distance. On a creusé des choses intérieures, personnelles. Après un an à avoir travaillé à distance sur cet album, en faisant circuler les idées entre nous par internet, ce qui est drôle de voir ce qui se passe quand on se retrouve pour les jouer tous ensemble. Ce n’est pas qu’on retrouve le plaisir de la scène, on trouve encore plus de plaisir que ce qu’on n’a jamais eu. Ces chansons qu’on peut écouter tranquillement chez soi, à la radio, dans sa voiture, ou n’importe ou, c’est un nouvelle carte qu’on va pouvoir abattre sur scène. On va transmettre de nouvelles choses sur scène à travers ces chansons. C’est une des composantes de la renaissance.

Vous avez trouvé le truc qui rassemblait les gens. Vous êtes un peu un groupe record pour ça d’ailleurs. Combien de scènes ou de pays traversé ?
Beaucoup, ça fait dix ans qu’on tourne tout l’année dans plein de pays. Une bonne trentaine de pays. On a fait toute l’Europe, les Etats Unis, le Canada, l’Australie, la Syrie, le Liban, la Réunion, la Russie… J’en passe et des meilleurs. C’est pour ça que cette fois, on a envie d’aller dans la cuisine et dans le salon des gens. Finalement, pour ressentir l’émotion, il fallait aller voir un concert. Avec un disque, on voulait aller chez les gens. Partout où on est allé, je pense qu’il y avait la curiosité d’aller voir des mangeurs de grenouilles réputés pour leurs dons de séducteurs. C’est quand même l’image qu’on a ! Le terme chanson française est un terme qui n’existe qu’en France. Une fois qu’on se retrouve devant les gens, il n’y a plus besoin de mots, c’est la musique qui parle. C’est tout ce qu’on leur offre qui fait qu’ils nous envoient des choses en retour. Ça varie selon les pays, d’une ville à une autre et d’un soir à un autre. En tant qu’un groupe de world music international, je ne vais pas nous balancer des fleurs, mais c’est un sans faute.

Qu’est-ce qui vous marque le plus dans les concerts ?
Il y a une vraie légitimité dans vos chansons parce que vous êtes au contact avec les réalités des pays en question. Je crois que vous êtes complètement imprégnés. Vous parliez de Damas et de la privation de certaines libertés. Vous pouvez juger de ce qui se passe réellement. Vous en êtes témoins ? A Damas, c’était vraiment marquant. On arrivait dans une dictature pendant l’attaque américaine. Il y avait une certaine ambiance et certains aprioris. Je pense qu’on voit des aspects du pays que les touristes ne voient pas et qu’ils ne pourraient pas voir. On a une certaine proximité. On sent un public et on est témoins d’une certaine émotion collective. Il y avait de l’électricité dans l’air qu’on ne peut pas sentir ailleurs. Après, je ne pense pas qu’on puisse raconter ce qu’on a vu. On se charge de tout ça et ça enrichit notre musique et notre rapport au public mais je ne pense pas qu’on puisse le raconter plus que d’autres. J’ai presque l’impression que le peu qu’on ait pu amener est plus important pour les gens que pour nous. A la fin d’un concert à Alep, l’autre grande ville de Syrie, où il y avait eu une pause pendant le concert pour la dernière prière, un petit vieux édenté arrive et me prend dans ses bras. Je ne sais pas trop ce qu’il m’a dit mais j’ai ressenti qu’il avait passé une heure et demie de bonheur. Si on peut amener une heure et demie d’oxygène, de laisser le temps en suspens… C’est gagné. C’est quelque chose d’énorme, qu’on ne peut pas trouver dans les livres.

Jusqu’à présent, on avait la sensation que le vecteur, le conducteur était la musique. Là les mots et la musique sont intimement liés et ça fait une différence dans la communication.
On l’a senti. La première fois qu’on a chanté « Des fois » devant un petit public, on s’est tous regardé. Ça nous a tous touché. Ça allait tout seul. Les mots parlaient d’eux-mêmes. Il n’y avait pas besoin d’en faire plus. Je suis assez content de ça sur les chansons qu’on a écrites. Pour la plupart, il n’y a rien à rajouter, les mots parlent d’eux-mêmes. Il suffit de les dire, alors qu’on avait plutôt l’habitude de mettre le maximum d’énergie dans les mots, ce qui est bien aussi. Du coup, on a un potentiel énorme. On avait une approche presque plus journalistique pour écrire les chansons, qui laissait moins de place à l’auditeur et à son interprétation. C’est l’inverse qu’on a recherché. C’est ce que j’aime quand j’écoute une chanson, ou quand je vais voir une expo de peinture. Ce n’est pas ce qu’avait le type en tête au moment d’écrire qui m’intéresse, c’est ma manière de faire vivre ce que je reçois. Pour moi une chanson c’est du son, du sens et des sensations. Il y a cette alchimie indescriptible qui fait une bonne chanson, une chanson chargée d’émotions, qu’on va pouvoir s’approprier. On l’expliquera, on la déclinera de la manière que l’on veut. On propose, on n’impose rien.
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