Scène française
Interview Nicola Sirkis et Boris Jardel
Interview Nicola Sirkis et Boris Jardel
Pour la sortie de « La république des meteors », le dernier album d’Indochine, Zikeo.net s’est entretenu avec Nicola Sirkis et Boris Jardel et vous offre ce moment où nos deux compères se livrent en toute intimité.
Au niveau des inspirations, comment s’est faite l’écriture des textes ?
Il y a plusieurs textes qui sont manifestement de la même inspiration historique. L’inspiration vient au départ de la lecture et la vision de l’exposition de Sophie Calle « Prenez soin de vous », que j’ai pu voir en septembre 2007 à Venise, à la Biennale de Venise. J’ai découvert des artistes contemporains incroyables qui faisaient des choses avec de la vidéo. Je suis tombé sur ce pavillon français avec la lettre de Sophie Calle, qu’elle avait mis en scène. C’est une lettre de rupture qu’elle a reçu. D’un acte totalement impudique qui est de l’offrir en pâture aux chiens, elle en a fait quelque chose de bouleversant, beau artistiquement. Elle en a fait une lecture avec 107 femmes de tous les horizons, médecins, actrices, danseuses, psychologues, visiteuses de prison… Chacune exprimait cette lettre à sa manière. J’ai voulu travailler sur ce thème de la rupture amoureuse, qui engendre la séparation. Quelles en sont les conséquences, séparation définitive ou temporaire, l’absence ? J’ai fait tout un travail là dessus. Ça m’a amené à lire des bouquins de Sylvia Plath, que je connaissais de nom mais que je n’avais jamais lue. J’ai découvert cette poète et c’était magnifique. J’ai lu des lettres de soldats. Il n’y a rien de pire que d’être séparé quand on est obligé de l’être, en réponse à un devoir patriotique ou autre. Ces soldats de la guerre de 14, qu’ils partent contre leur gré ou la fleur au fusil, écrivaient à leur femme des lettres très bouleversantes. Il y a donc effectivement un côté historique. Ce n’est pas un album sur la guerre mais sur la thématique de l’absence et de la séparation de deux êtres physiques. Ça engendre des émotions assez fortes, des bouleversements mentaux. C’est une leçon de vie encore une fois.
Comment s’est fait le travail avec Peggy la graphiste ? Sur la pochette de l’album et dans le clip de « Little Dolls », il y a beaucoup d’images de 1914. Il y a une sorte de romantisme, de l’imagerie guerrière du 20ème siècle.
L’imagerie guerrière est là pour positionner un sentiment de détresse. Dans « Little Dolls » il y a la séparation des enfants qu’on éloignait et qu’on envoyait à la campagne pendant la guerre de 40 ou des enfants qui jouent à la guerre, comme dans un film des années 30 qu’on a pu retrouver, à se fusiller les uns les autres. Aujourd’hui Indochine est une sorte de conglomérat. Il y a le groupe, avec un binôme artistique entre Olivier et moi, et un trio artistique avec Peggy et le groupe. Pour cette pochette, je lui avais dit que je ressentais une sorte de patchwork de toutes les personnalités que j’ai appréciées, détestées ou qui m’ont impressionné. Peggy répond toujours à nos attentes et à mes attentes. Ça fait 10 ans qu’on travaille ensemble, il n’y a jamais eu de fausses notes. Elle embellit nos idées à sa façon à elle, c’est une graphiste. Quand on a reçu les premiers jets de la pochette, c’était vraiment ce à quoi je m’attendais. Je lui avais montré la pochette de Sergent Pepper, qui est une grande référence. Je pense que c’est le meilleur album du monde du rock. Même pour la photo du Stade de France, on a été voir ensemble l’exposition de Richard Avedon, où il a cette photo de la Factory de Warhol. On y voit Morrissey habillé, D’Alessandro nu, un transsexuel à poil. Ces personnes sont à la fois nues et habillées, c’était parfait pour annoncer le Stade de France. C’est une complicité artistique forte qu’il y a entre nous et je suis content de l’avoir rencontrée. Depuis 10 ans, on fait un travail qui convient vraiment à l’âme d’Indochine. Tous les musiciens qui sont arrivés dans ce groupe, récemment ou moins récemment, se mettent au service de cette âme là et respectent ce travail. Au départ, c’était presque des fans et maintenant ce sont des participants. C’est une belle histoire.
Puisqu’on parle de références, vous avez compilé un album pour la FNAC, qui s’appelle Indochine Carte Blanche. Vous pouvez nous parler des artistes que vous avez choisis ?
Ça a été un choix personnel mais je me suis engagé au nom d’Indochine, parce que je pense qu’ils ont les mêmes goûts que moi, à part deux ou trois trucs. Mes principales influences ont été Bowie et Patti Smith. Quand j’ai écouté le morceau de Bowie que j’ai choisi et qui s’appelle « Diamond dogs », c’était pour moi le pur morceau de glam, avec ces guitares, ce saxo, ce côté un peu sexuel « je suis une fille et un garçon ». Quand j’ai découvert Patti Smith, l’album « Horses » en 1976, ça a été la claque de ma vie. Cette fille qui chante du rock comme ça, elle balaie tout le mauvais rock des années 70. Elle arrivait et c’est comme pour les gens qui ont écouté du punk pour la première fois, c’était une explosion énorme. Il y a aussi Anthony and the Johnsons, dernier coup de coeur même si je n’aime pas trop cette expression. Il y a de l’émotion dans sa voix et sa façon de chanter. La chanson « You are my sister » est d’une beauté incroyable . Il y a XTC, « Making plan for Nigel », qui est le plus gros morceau de new wave que je n’ai jamais entendu. Il y a deux groupes français. Il y a Luna Parker, groupe qui a été connu comme une météorite dans les années 80 avec un tube comme « Les Etats d’Ame Eric ». Ils ont toujours fait des chansons vraiment fortes. Il y a Asyl, qui est pour moi le meilleur groupe français aujourd’hui. Il dégage une énergie comme j’ai pu trouver dans Noir Désir à ses débuts. Il a aussi un côté très sexué, d’une force sur scène comme je n’en ai jamais vu. Ce groupe, s’il s’accroche, il va pouvoir faire quelque chose. Il y a Joy Division, le groupe qui nous a tous touché. On avait 18-19 ans, le groupe a sorti un album et après le chanteur s’est pendu. C’est un peu notre Kurt Cobain, le martyr. Il y a Santogold, un artiste noir, qui fait une new wave incroyable. J’adore les mélodies. C’est un peu tout ça.
Vous sortez votre album et vous êtes déjà en train de préparer la tournée qui débutera le 6 octobre. Vous répétez, mais vous préparez aussi autre chose pour la tournée ?
Il y a un travail incroyable à faire en amont. Quand on voit le travail qui a été fait sur cette pochette et l’impact qu’elle a ! Pour la première fois, on va réussir à provoquer quelque chose dans le public sans artifice, sans « kitcherie », sans « je me la pète », sans fioriture. Je trouve que c’est dans les concerts de rock que ça se passe, de moins en moins au cinéma, de moins en moins dans les livres d’aujourd’hui. Dans les concerts de rock, il y a la liberté, la violence, l’émotion, les bouleversements… Cette tournée sera quelque chose de fort. Déjà sur « Alice&June », je trouvais que c’était la tournée la plus forte du groupe. On est en train de travailler là-dessus. Les gens auront une émotion certaine, comme celle qu’ils auront lorsqu’ils écouteront l’album, je l’espère.
Les concerts en province, dans les Zéniths ou les autres salles, seront très différents du concert au Stade de France en juin ?
Oui et non. La plus grande différence est qu’on passe d’une salle fermée à une salle ouverte. Et le 26 juin 2010, on sera en plein jour à 21h30 quand on arrivera sur scène. Donc oui ça sera différent par la longueur du show, l‘implantation de la scène, par les invités. Ça sera différent parce que l’album n’est pas un prétexte à une tournée, il nous permet d’interpréter les nouvelles chansons et elles ne pâliront face aux anciennes. Tout va se mélanger. On va en jouer une bonne dizaine dans cette tournée. Au Stade de France, il y aura ce show, mais réécrit. Ce qui est normal. Beaucoup de gens qui ont acheté leur place pour le Stade de France nous ont déjà vus. On aime bien varier les plaisirs.
Nous sommes sept mois avant le début de la tournée, une bonne partie des concerts sont déjà complets. Vous avez déjà rajouté des dates. Ça vous surprend, cet engouement sur la tournée ?
Ça serait un manque d’humilité de notre part de dire que ça nous surprend pas. Ça prouve que ce qu’on a fait jusqu’à présent a plu et que plein de gens n’ont pas pu nous voir. Je pense que les gens nous suivent. Il faut être à la hauteur. Ça nous ravi. On sait que c’est sur scène qu’Indochine existe vraiment.
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