Scène française
Interview Guillaume Cantillon
Interview
Guillaume Cantillon, auteur-compositeur de 36 ans et leader du groupe Kaolin s’est mué en chanteur solo afin de recommencer sa vie artistique. Aujourd’hui il débarque avec la réédition le 6 juillet prochain de son album « Les ballons rouges ».
On va faire un petit retour en arrière, pour ceux qui aurait raté un épisode. Tu es la voix lead de Kaolin. Enorme succès en 2006 !
Un joli succès oui, c’était chouette.
C’est ce qui a mis tout de suite un coup de projecteur sur le groupe.
Oui, avec la chanson « Partons vite ». Alors que ça faisait 15 ans que l’on faisait de la musique, il suffit d’une chanson en radio pour être éclairé différemment. C’était assez rigolo.
Cette chanson n’est pas forcément représentative de toute la musique de Kaolin, mais est-ce qu’elle a donné l’impulsion, le déclencheur à cet album solo ?
Il y a de ça. C’est une chanson très folk. L’esprit de Kaolin est plus rock. Pour une fois on est allé dans ce paysage un peu plus acoustique. Ça fait longtemps que ce sont mes influences, mon background comme on dit. Je compose à la guitare sèche, j’ai voulu garder cet esprit des démos, ne pas mettre de guitare électrique là où au départ il y avait une guitare sèche, garder ce côté simple, minimaliste. Au niveau des paroles, il y a une chanson sur mon album qui s’appelle Des ballons rouges, c’est la suite de Partons vite. C’est le même couple, 15 ans plus tard, avec un peu plus d’expérience. Je le fais souvent sur mes chansons, je fais une suite qui n’a pas forcément grand-chose à voir musicalement avec ce qui s’est passé avant. Là il y avait un vrai fil conducteur. J’ai voulu prendre ce fil et le tirer pour voir jusqu’où il allait. Je me suis retrouvé avec des chansons que je ne pouvais défendre qu’en mon nom sur un projet personnel, et non pas avec Kaolin.
C’est un album où on se plonge dans l’enfance. C’est un peu la madeleine de Proust ?
Complètement, ce sont des petits flashes. J’aime bien ces moments où une odeur peut déclencher un souvenir généralement lié à l’enfance ou à des moments vraiment importants de ta vie. J’avais envie d’écrire sur ces moments là, je suis à une période de ma vie où j’ai besoin de me retrouver sur des choses importantes, des bases. C’est une analyse que je fais aujourd’hui, ce n’était pas pas aussi clair que ça sur le coup. Mais à force d’en parler je me rends compte que c’est vraiment ça.
Est-ce que ça a été difficile de se retrouver seul face à ses chansons, de devoir les défendre tout seul, de se retrouver en totale intimité ? Parce que tu es habitué à être bien entouré.
J’ai toujours eu l’habitude du collectif, du groupe. Là je me retrouve tout seul. Je me souviens avoir paniqué un peu. Je suis tout seul alors que d’habitude on est 4-5, on a une équipe de 10 personnes autour de nous, on est cocooné. Ça va être difficile. Tout repose sur mes épaules. J’avais choisi de faire cet album vraiment tout seul, de l’enregistrer tout seul, de le produire. Après Edith Fambuena a produit l’album avec moi.
Un petit mot sur Edith Fambuena ?
C’est une amie, quelqu’un que je connais depuis très longtemps. Je lui fais totalement confiance. Je peux lui donner mes chansons, je sais qu’elle va y faire très attention. Elle sait exactement où je veux en venir. Finalement elle m’a un peu poussé à aller vers un album solo. Elle m’a dit « tu as des chansons, on est sur autre chose, c’est très perso ».
Elle est dans un milieu pop, à la fois dans l’intime et dans le rock ?
Pop lui convient bien parce que c’est vraiment populaire, elle est douée dans tous les domaines. Je pourrais lui donner des chansons rock sans souci. Elle sait comment bien faire sonner une guitare. Elle sait surtout respecter le musicien qui est en face et aller chercher au plus profond de lui ces petits accidents qui font qu’on n’a pas juste de la musique mais une histoire. Elle dit tout le temps « un album, tu vas vivre avec toute ta vie ». Ce n’est pas juste un objet que tu peux trouver au supermarché. C’est sacré. On pense notre temps à désacraliser le truc parce qu’on ne se prend pas la tête. Mais on touche à quelque chose qui normalement doit remuer les tripes.
Parlons justement de ces accidents volontaires. Dans l’album, quand on tend l’oreille, on sent que ça sent le bois, dans tous les sens du terme. Ça sent la guitare, mais pas seulement.
Ça sent le bois des tonneaux, les chais pour garder le vin au frais, pour faire en sorte qu’il y ait de bons vins quelques années plus tard. On a enregistré à Saint Émilion, c’est Edith qui m’a trouvé cet endroit. C’est un ancien chai qui appartient à Dorian, qui chante avec moi sur la chanson On aimerait bien.On l’a aménagé en studio, on a amené du matériel et on a investit les lieux. Pendant un mois on a vécu ensemble là bas. Dorian faisait la cuisine, nous concoctait de bons petits plats, avec des vignerons qui étaient fans de Kaolin et qui nous amenaient chaque jour de bonnes bouteilles de vin. On a été bichonné. Il a fait beau, tous les matins, j’étais sous les toits, il y avait ce soleil, pas trop agressif. Une ambiance hyper fraiche, hyper sereine, c’est ce que j’avais envie de mettre dans cet album. Tu ouvres une fenêtre le matin, tu dois aller bosser et ce n’est pas forcément facile, j’avais envie de chansons qui te donnent envie d’y aller le matin. Un petit rayon de soleil. Là bas on avait tout ça. Edith a su m’amener dans le bon lieu au bon moment.
Il y a aussi une chanson où tu es allé dans une petite classe de CE2. C’est vraiment étonnant cette rencontre, parce que tu as cherché un échange avec eux !
J’avais accepté cette commande de l’Education Nationale, dans cette classe de CE1- CE2. On devait composer toute l’année et faire un spectacle à la fin. C’était à Montluçon, la ville où j’habite. Il a fallu que je m’investisse, que je prenne le temps deux ou trois fois par semaine pour aller voir les Loulous. C’était vraiment du temps. Ça tombait au moment où je finissais de composer cet album. J’étais toujours à la recherche du naturel, du simple, du naïf. Là je l’avais au quotidien avec les mômes. Si je commençais à alambiquer musicalement et au niveau du texte, j’avais directement le retour des mômes qui s’ennuyaient, qui n’étaient pas concentrés, qui préféraient aller faire d’autres activités. Il fallait que ça soit ludique, que ça leur parle, que ça soit simple et direct, qu’on parle de choses vraies. On a composé quasiment un album, j’ai de quoi faire un album pour enfants. J’ai puisé cette chanson là car elle avait un vrai rapport avec ce qui se passait dans mon album.
Cet album a une deuxième vie, une nouvelle édition avec deux nouvelles chansons ?
Deux nouvelles chansons issues des sessions qu’on avait faites. Je voulais faire un album assez court. C’était l’occasion, comme il y a un titre qui marche bien et qu’on fait une nouvelle édition, j’avais envie de ne pas léser les gens qui ont acheté l’album au départ. Je ne suis pas trop pour les nouvelles éditions au départ… Là on a essayé de faire quelque chose avec un objet encore plus joli, plus travaillé, pour faire plaisir. On s’est fait plaisir et il y a des nouvelles chansons, des choses encore plus personnelles ; il a fallu que la maison de disque me taquine un peu pour les mettre mais j’ai cédé.
En même temps, ça a du donner une impulsion à Kaolin. Tout le monde s’est dit : « Qu’est-ce qui se passe, Kaolin c’est terminé ?! » Alors que non, vous êtes sur un nouvel album.
On a quasiment fini de notre côté, on va entrer en studio au mois de septembre. On est dedans. J’aime bien, je suis sur tous les fronts, je n’ai pas une seconde pour me poser ou réfléchir. Ça va très bien.
Est-ce que cet album a servi de caution, ou de révélateur pour tes camarades ? Ils vont se dire qu’ils vont peut-être explorer un peu plus loin les choses, aller dans cette direction ?
Je ne voudrais pas parler pour mes potes. De mon point de vue, deux ou trois petits coups de pied au cul ont été donnés. Certains se sont posés des questions, surement les bonnes. Il va falloir qu’on fasse les choses autrement avec Kaolin pour retrouver tout ça. Il y a eu cet album, on est heureux de se retrouver. Un cinquième membre est arrivé, Vivien, qui travaille sur scène avec moi. Je l’ai apporté chez Kaolin parce qu’il fallait quelqu’un qui s’occupe vraiment de la basse. J’étais bassiste mais je suis guitariste de coeur, j’en avais vraiment marre de cet instrument. Vivien a pris la basse. On est dans quelque chose de nouveau. Je garde ça pour la surprise.
On va dire qu’il y a un super héros qui fait l’unanimité dans le groupe, c’est Bob Dylan. Il y a une chanson dans ton album où tu fais référence aux Rolling Stones, aux Beach Boys. Mais en quoi sont-ils tes super héros ?
C’est la première voix chantée, mon premier souvenir de musicien et de chanteur. Dans ma tête, c’est cette voix de canard. Je me vois dans cette pièce où on écoutait de la musique, chez mes parents. Je me souviens de ce son. On dit que dans les moments importants, tu te rappelles où tu étais, ce que tu faisais. C’est exactement ça. Cette voix, depuis que je suis tout petit, est une voix qui me réchauffe, qui me bouleverse. Je peux chialer sur du Dylan. C’est bouleversant. Je dois avoir des cellules qui réagissent à ça.
Le folk te va bien, parce que Dylan et le folk américain, c’est raconter des histoires.
Enormément, je me suis acheté un bouquin de Dylan avec tous ses albums jusqu’en 2001, avec traduction des textes en français. C’est magnifique. Je connais la langue anglaise, elle fait partie de mon cursus scolaire ; mais là, je découvre tous les jours des images, des métaphores et une poésie incroyables.
Un petit mot pour terminer sur Internet. Est-ce qu’Internet, par rapport à Kaolin ou à toi, est un outil précieux ? Es-tu en réseau communautaire ? Tu as l’impression que c’est un lien essentiel ? Comment utilises-tu l’outil internet ?
C’est toujours un peu compliqué de discuter d’internet. A la base je suis un peu réfractaire, dans le sens où je ne vais pas me servir d’internet dans ma vie de tous les jours pour écouter de la musique. Je déteste le son depuis mon ordinateur, je passe à côté de choses que je peux écouter sur le CD ou en concert. Sur internet, je passe à chaque fois à côté de l’artiste ou du musicien. Je pense que c’est une histoire de son, ou de moment pour écouter de la musique. Devant un ordinateur, ce n’est pas le moment d’écouter de la musique, ce n’est pas l’endroit. Le son est horrible. Les mômes écoutent la musique sur Twitter, il n’y a rien, pas de son, pas de vie là dedans. Je ne sais pas comment ils font, même au casque, c’est un moment où tu t’isoles et je ne suis pas sûr que c’est comme ça que tu dois écouter de la musique. Ça me dérange. Après, je m’en sers. Sur Facebook ou les sites qu’on a fait pour Kaolin ou pour Guillaume Cantillon, je vais à la rencontre des gens. C’est quelque chose que j’aime bien faire, discuter. Il y a souvent des réactions de gens qui viennent de voir le concert, qui ont envie de te poser une question. Ça j’aime bien le faire. Je me laisse un peu déborder d’ailleurs, parce que là je ne peux plus le faire du tout. Mais quand je peux répondre aux gens, je leur explique des trucs ou eux m’expliquent comment ils ont écouté certains textes. Ils ont une vision assez différente de la mienne, c’est rigolo. En ça, Internet me sert.
Est-ce qu’on va te retrouver sur la route des vacances cet été ?
Oui, pas mal. Il y a Paris Plage à Paris, je suis invité par Mickey 3D. Il y a les Francofolies de La rochelle, pour la quatrième année consécutive. Je suis très content et très fier à chaque fois d’y jouer. C’est vraiment un chouette moment. Il y a plein de festivals un peu partout en France ; il faut aller voir sur le site, il y a toutes les dates. Au mois d’aout, je vais essayer de partir en vacances, ça va être difficile ! A la rentrée, c’est reparti sur les routes avec l’album solo. Il y a beaucoup de concerts de prévus.
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