électro
Monofocus, un trio aux vues larges
Electro à cheval, blues en roulotte
Une botte de paille, un tambour, une caisse en bois, un tuba, une guirlande de lampions, un banjo, une roulotte, un sampler. Voilà l’univers des Monofocus. Trois presque manouches, mi-cow-boys, mi-clowns, bourrus pour de faux, arrivés dans la musique par le théâtre de rue. Personnages atypiques au parcours atypique qui logiquement, ne pouvaient que produire un genre musical atypique, qu’ils appellent de l’électro-blues-forain. Rencontre avec Freddy Boisliveau, Vincent Petit et Yann Servoz, à la veille de la sortie de leur premier album, Fratelli Brutti et au lendemain d’un de leur nombreux concerts, entre une botte de paille, un tambour, une caisse en bois, un tuba, une guirlande de lampions, un banjo, une roulotte et un sampler.
Pour commencer, évidemment, il faut que vous expliquiez ce que vous voulez dire par « electro-blues forain ».
Yann : Disons que c’est le résultat de nos réflexions et surtout de nos parcours, à chacun. Vincent est issu du monde de la fanfare, Freddy, lui, a eu l’occasion de faire beaucoup de rock et de blues, avant ce projet. Et pour ma part, étant dans les claviers et les machines depuis tout petit, on peut dire que je fais de l’électro. Mais c’est aussi le résultat de ce qu’on a fait dans la compagnie 2RienMerci, ces dernières années. Je précise que nous sommes issus des arts de la rue. On a déjà travaillé tous les trois sur divers projets ensemble, des spectacles de théâtre, de cirque, dans des petits chapiteaux. Donc cette idée d’électro-blues forain et le visuel qui accompagne notre musique sont issus du parcours qu’on a fait au sein de cette compagnie.
Comment vous est venue l’idée de faire ce cross-over entre l’électro, les samples, les claviers des années 80 et le blues, la vieille folk américaine, ambiance O’Brother ? Deux styles qui semblent pourtant aux antipodes ?
Vincent : Mais ce n’était pas notre idée de base. Au départ, tout ce qu’on voulait, c’était mélanger nos trois personnalités et nos trois expériences passées. C’est donc cette réunion qui a donné ce style musical. Mais jamais nous nous sommes dit, « tiens, rassemblons-nous pour faire ce style de musique ».
Yann : Ce qui nous a donné l’idée de ce projet c’est aussi que le public, dans les festivals d’art de rue, avait envie de retrouver plus de musique. Donc on a proposé un spectacle de musiques amplifiées.
Freddy : Et puis, moi j’aime bien jouer du blues, mais je ne suis pas un blues-man. On aime aussi la musicalité de toutes les gouailles foraines, sans pour autant avoir envie de la retrouver uniquement sur des musiques foraines. Le blues et l’électro sont deux genres qui ont déjà été mélangés, je trouvais ça intéressant. Du coup, on a pris ces trois éléments et voilà.
Outre le style musical, les textes de Monofocus sont également très originaux. C’est du n’importe quoi ou au contraire un mélange de français, d’italien et de patois ?
Vincent : C’est plutôt de l’italo-bourguignon, pour résumer. Alors effectivement les gens ne comprennent pas forcément, ou croient déceler, au contraire, un peu d’italien, un peu de patois et un peu de français. C’est surtout une langue musicale. Quand on écrit en français, les gens s’attachent trop aux paroles.
Yann : Et il y a un sens ! Les textes sont même écrits dans la pochette de notre CD. Bon, OK, il tiennent à peine une demi-page, mais tout est compréhensible.
Monofocus, pour vous, c’est aussi une manière d’innover ? Parce que le vrai blues est trop technique, parce que tout ce qui est folk revient un peu à la mode et parce que tout a déjà été fait en électro ?
Freddy : Innover surtout parce que je trouve qu’à notre époque, il y a plein de bons albums qui sortent, mais à chaque fois, aussi, toute une déclinaison de groupes qui refont la même chose. Et plus ou moins bien. Nous n’avions absolument pas envie de ça.
Yann : En même temps on ne s’est jamais posé la question de savoir si la folk revenait au goût du jour, ni comment allait être perçue notre musique. Plus qu’une envie, monter ce projet était une nécessité pour nous, après des années d’art de la rue. Quand on a monté Monofocus il y a une vingtaine de mois, c’était le moment, il y avait urgence. On a écrit des titres sans même savoir comment on allait les jouer.
Vincent : Et puis ça plaisait à nos potes, donc c’était déjà pas mal. Les premières pré-maquettes ont reçu un super accueil dans notre entourage… Tu sais parfois, les potes sont ceux qui ont le plus la dent dure. Alors on a continué sur cette lancée. Attaquer un marché, signer chez une major, sont des choses qui ne nous ont jamais effleuré l’esprit.
Aujourd’hui, votre musique ne plait pas qu’à vos potes, puisque vous avez été sélectionnés pour représenter la région Rhône-Alpes au Printemps de Bourges, que votre concert y a été très remarqué, que vos albums partent comme des petits pains après chacun de vos concerts et que des concerts vous en avez dans toute la France et même en Suisse. Tout ça, en à peine un an, ça va très vite pour vous. Vous considérez-vous comme chanceux ?
Freddy : Bien-sûr que nous sommes chanceux et on s’en rend bien compte. On voit que ça va très vite et on s’en méfie, justement. Les choses qui montent rapidement redescendent très rapidement, aussi. Et malgré tout, on prend le temps de prendre notre temps. C’est-à-dire qu’on réfléchit, qu’on se permet de refuser certaines propositions, même très intéressantes. On a envie de bosser à notre rythme, de prendre nous-mêmes nos décisions et de continuer comme on a commencé sans essayer d’aller plus vite.
Yann : On veut garder l’approche de la compagnie de théâtre de rue qu’on avait avant, en restant autonome et artisanal plutôt que de s’entourer de gens qui vont nous dire ce qu’on a à faire. Monter une compagnie de rue, c’est un peu monter un outil de travail. Donc maintenant que c’est fait, on ne va pas s’en dispenser. Mais nous ne sommes pas les seuls dans ce cas, nous sommes même de plus en plus nombreux.
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